LA POLITIQUE PORTUAIRE FRANCAISE
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2' Les modalit's de d'cision
a) Lobsolescence des r'gles concernant la
participation de lEtat
Le code des ports maritimes, dont les articles L. 111-4
' L. 111-6 ont un caract're r'glementaire, (31) pr'voit que lEtat rembourse
au port autonome la d'pense r'elle augment'e dune quote-part des frais g'n'raux
du port :
- pour les travaux dentretien, ' hauteur de 100 %
(chapitre 44-34 de la section budg'taire " mer ") ;
- pour les investissements, ' hauteur de 80 % pour les
op'rations de modernisation des bassins et ouvrages dacc's et de 60 % pour les
autres travaux dinfrastructure (chapitre 53-30).
En revanche, les co'ts dimmobilisation et
dexploitation aff'rents aux superstructures (outillages, hangars, gares maritimes,
terre-pleins), sont ' la charge du port autonome.
Ces r'gles ne valent pas pour les ports
dint'r't national, o' les investissements et lentretien des infrastructures
sont ' la charge de lEtat, avec participation - sous forme de fonds de concours -
du concessionnaire de loutillage. Les superstructures ne font en revanche
lobjet daucune participation de lEtat et sont essentiellement financ'es
par le concessionnaire.
Le tableau figurant ci-apr's (32) r'sume les
diff'rentes conditions de financement des travaux portuaires. Ce cadre juridique
dintervention obligatoire de lEtat dans le financement dune grande part
des op'rations de gros entretien et dinvestissement des ports autonomes est
inadapt' ' plusieurs titres :
Dun c't', le budget de lEtat - m'me au
prix de transferts de charges contestables entre chapitres budg'taires - ne parvient pas
' faire face aux obligations qui lui sont imparties : les remboursements faits par
lEtat ne respectent g'n'ralement pas les r'gles 'dict'es en la mati're.
Ceci sexplique notamment par lambigu't' de
la d'finition des diff'rents types de travaux, selon quil sagit de
lentretien, qui est une d'pense de fonctionnement, ou de la modernisation des
infrastructures, qui est une d'pense dinvestissement. Cette incertitude est
dailleurs entretenue par les ports, qui ont parfois int'r't ' obtenir de
lEtat le taux de remboursement le plus avantageux possible. A titre dexemple,
pour le port autonome de Rouen, le taux de couverture par lEtat des d'penses
dentretien et dexploitation des chenaux et des digues est pass' de 75 % en
1989 ' 66 % en 1994, puis ' 78 % en 1998, mais avec une distinction mal d'finie entre
les types de travaux. Inversement, une op'ration de " r'tablissement des
profondeurs du chenal " a 't' financ'e par lEtat sur le chapitre 53-30,
alors quelle aurait pu 'tre consid'r'e comme un travail dentretien.
Si lEtat ne respecte pas les r'gles de
remboursement, cest aussi parce quil entend privil'gier certains projets.
Ainsi, le minist're a justifi' labsence de participation financi're de
lEtat ' la construction du troisi'me poste ' quai du terminal ' marchandises
diverses et ' conteneurs de Nantes-Saint-Nazaire par la concentration de ses efforts sur
lam'nagement du terminal agroalimentaire, " enjeu de port'e
nationale ", conform'ment aux contrats de plan Etat-r'gion successifs.
Le financement des d'penses dinvestissement et de
fonctionnement des ports
Source : Office parlementaire d'valuation des
politiques publiques, La politique maritime et littorale de la France : les ports
(III), mars 1998
INVESTISSEMENTS |
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Ports autonomes |
Ports dint'r't
national |
Ports d'partementaux |
Acc's maritimes |
Etat : 80 % (CPM)
Collectivit's locales : rare
Port autonome : en th'orie 20 % |
Etat : 33 % maximum
(aucun texte)
Fonds de concours : au moins 66 %
(concession et subv. collt's loc.) |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD
Fonds de concours
concession : variable |
Quais, engins et radoub |
Etat : 60 % (CPM)
Collectivit's locales : rare
Port autonome : en th'orie 40 % |
Etat : 33 % maximum
(aucun texte)
Fonds de concours : au moins 66 %
(concession et subv. collt's loc.) |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD
Fonds de concours
Concession : variable |
Terre-Pleins, routes |
Etat : n'ant
Collectivit's locales : rare
Port autonome : essentiel |
Terre-pleins et routes
non conc'd'es
Etat : 33 % maximum (aucun texte)
Fonds de concours : au moins 66 %
(concessionnaire et subv. collt's loc.)
Conc'd's
Concession : essentiel
Collectivit's locales : variable |
Terre-pleins et routes
non conc'd's
Collectivit's loc. + Etat via DGD
Fonds de concours
Concession : variable
Conc'd's
Concession : essentiel
Collectivit's locales : variable |
Voies ferr'es |
SNCF : 50 % (CPM)
Port autonome : 50 % |
|
|
Superstructures,
outillages, b'timents |
Etat : n'ant
Collectivit's locales : variable
Port autonome : essentiel |
Etat : n'ant
Collectivit's locales : variable
Concession : essentiel (sauf b'timents administratifs) |
Collectivit's
locales : variable
Concession : essentiel |
DGD : dotation globale
de d'centralisation
(CPM) : disposition du code des ports maritimes |
ENTRETIEN |
|
Ports autonomes |
Ports dint'r't
national |
Ports d'partementaux |
Acc's maritimes |
Etat : 100 % (CPM)
rembours' au port autonome |
Etat + fonds de concours
variable |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD +
fonds de concours rare |
Quais, engins et radoub |
Port autonome : 100 % |
Etat + fonds de concours
variable
(= 50 % grosses r'parations) |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD +
fonds de concours rare |
Terre-Pleins, routes |
Port autonome : 100 % |
Terre-pleins et routes
non conc'd's
Etat + fonds de concours variable
(= 50 % grosses r'parations)
Conc'd's
Concession
Collectivit' locale : rare |
Terre-pleins et routes
non conc'd's
Collectivit's loc. + Etat via DGD + fonds de concours rare
Conc'd's
Concession
Collectivit' locale : rare |
Voies ferr'es |
SNCF : 100 % (CPM) |
|
|
Superstructures,
outillages, b'timents |
Port autonome : 100 % |
Concession : 100 % |
Concession : 100 % |
DGD : dotation globale
de d'centralisation
(CPM) : disposition du code des ports maritimes |
PERSONNEL |
|
Ports autonomes |
Ports dint'r't
national |
Ports d'partementaux |
Acc's et 'cluses |
Etat : 100 % (CPM)
rembours' au port autonome |
Etat + fonds de concours
variables
(acc's) |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD + |
Capitainerie, personnel
administratif et techniciens |
Port autonome : 100 % |
Etat + concession |
Collectivit's loc. + Etat
via DGD +
concession |
Personnel
dexploitation |
Port autonome |
Concession |
Concession |
DGD : dotation globale
de d'centralisation
(CPM) : disposition du code des ports maritimes |
Dun autre c't', le r'le d'sormais reconnu aux
r'gions en mati're dintervention 'conomique et de politique des transports, ainsi
quaux fonds europ'ens, devrait amener ' reconsid'rer la part revenant aux
diff'rentes collectivit's publiques dans le financement des 'quipements portuaires.
D's lors que le relais du financement est pris structurellement par dautres
partenaires publics, les textes devraient ' tout le moins 'tre mis ' jour pour tenir
compte de cette r'alit', et ensuite 'tre strictement appliqu's.
A titre dexemple, en mati're
dinvestissements (infrastructures et superstructures) relatifs au trafic
transmanche, le montant cumul' de 1990 ' 1996 de la participation de lEtat a
atteint 6,3 %, soit 133 MF sur un total de 2,1 milliards de francs, effort qui a
't' concentr' - sans crit'res clairs - sur Dieppe et Saint Malo. La part des
collectivit's territoriales s'levait ' 18,8 % (394 MF) et celle des fonds
europ'ens ' 9,7 % (204 MF).
Enfin, ces quotas de participation de lEtat ne
sappliquent pas aux ports dint'r't national. Pour les ouvrages non
conc'd's, lusage veut quil participe ' hauteur dun tiers aux travaux
importants dextension ou de protection, et ' hauteur de 50 % aux travaux de
grosses r'parations.
La r'vision de ces dispositions inadapt'es et
inappliqu'es, datant dune 'poque o' le niveau des investissements n'cessaires
exigeait une intervention massive de lEtat, para't aujourdhui n'cessaire.
LEtat doit retrouver la capacit' de concentrer ses interventions financi'res pour
ne pas se voir r'duit ' un simple r'le de partenaire financier parmi dautres, aux
moyens faibles, donc aux possibilit's darbitrage limit'es.
Cette r'vision pourrait conduire ' la suppression des
taux de participation obligatoire de lEtat aux infrastructures : ainsi, lEtat
- pour autant quil en ait la volont' politique serait en mesure de
s'lectionner, privil'gier et coordonner ses interventions, quitte ' supprimer
enti'rement son soutien aux infrastructures de certains ports et ' laisser ce soin aux
collectivit's territoriales, cest-'-dire aux r'gions principalement en raison de
leurs comp'tences, et aux fonds structurels europ'ens g'r's par les pr'fets de
r'gion.
Une telle r'forme des m'canismes de d'cisions
supposerait quon distingue les investissements incombant au secteur priv' de ceux
qui doivent 'tre financ's par lEtat parce quils rel'vent dun choix
national quelle que soit la cat'gorie " juridique " du port, et,
enfin, les investissements ' r'aliser gr'ce ' un financement public essentiellement
local. Cette recommandation ressort dailleurs 'galement des travaux effectu's en
1996 par la direction charg'e des ports pour 'laborer un sch'ma national des ports
maritimes, abandonn' depuis par les pouvoirs publics. Ce sch'ma devait " distinguer
les 'quipements associ's aux grands trafics strat'giques et particuli'rement porteurs
pour le d'veloppement de notre 'conomie : trafics de conteneurs et marchandises
diverses, approvisionnement 'nerg'tique de la France, desserte des zones
p'riph'riques,... sur lesquels lEtat devra simpliquer en toute
priorit' " et " les 'quipements li's ' des trafics r'pondant '
une approche de d'veloppement plus r'gional, pour lesquels une participation accrue des
collectivit's r'gionales et locales devra 'tre recherch'e ".
Aujourdhui, paradoxalement, compte tenu de sa
position ant'rieure, et contrairement au minist're de l'conomie, des finances et
de lindustrie, le minist're charg' des transports ne para't gu're souhaiter
revenir sur ces r'gles : " il nappara't pas opportun de remettre en
cause les taux dintervention de lEtat dans le financement des ouvrages
dinfrastructure des ports autonomes maritimes. Ceci ne parait pas de nature '
renforcer leur comp'titivit' surtout dans un contexte o', actuellement, les grands
ports concurrents du Nord r'alisent des investissements colossaux, atteignant plusieurs
milliards de francs et b'n'ficiant dimportants fonds publics. En 1998, lEtat
belge aura allou' ' ses ports l'quivalent de 1,6 milliard de francs
fran'ais ".
La DTMPL pr'voit de r'server les fonds publics (Etat,
collectivit's locales, communaut's europ'ennes) aux seules infrastructures. En f'vrier
1998, elle indiquait que " dans le cadre de la pr'paration des futurs contrats
de plan, il est envisag' de clarifier les responsabilit's financi'res des diff'rents
acteurs en mati're d'quipement portuaire, en tentant de r'orienter leffort
des collectivit's locales et des fonds europ'ens sur les infrastructures, et la
participation des usagers sur les superstructures, en recherchant, de leur part, une plus
forte implication dans le financement de ces 'quipements ". Dans le m'me sens,
une circulaire du 27 octobre 1998 du ministre de l'quipement, des transports et du
logement relative au d'veloppement des investissements et des emplois dans les ports
'nonce lorientation suivante : " ' lEtat, il incombe, et cette
r'gle ne saurait souffrir le moindre recul, de poursuivre et daccro'tre ses
efforts sur les infrastructures de base (...). Sur ces 'quipements de base,
lintervention de lEtat doit 'tre forte, m'me si elle peut utilement 'tre
compl't'e par des aides publiques provenant dautres intervenants (collectivit's
locales, cr'dits europ'ens) ".
Pourtant, les faits et les chiffres montrent que reste
enti're la question de savoir comment lEtat entend ' lavenir, notamment dans
le cadre des prochains contrats de plan, tout ' la fois appliquer les r'gles actuelles
de participation de lEtat aux investissements et financer de grands projets
prioritaires, tels que Port 2000 au Havre ou Donges-Est ' Nantes-Saint-Nazaire, et, dans
le m'me temps, des 'quipements tels que ceux pr'vus par le port autonome de Marseille
dans son plan dentreprise de juillet 1998. Le projet de d'veloppement, que ce
dernier pr'sente comme " le deuxi'me souffle du port apr's le grand projet
que fut la construction des bassins de Fos il y a trente ans ", suppose,
en effet, un triplement de la participation annuelle de lEtat : en ce cas,
cette derni're, qui a atteint une moyenne annuelle de 21,6 MF de 1991 ' 1995,
s'l'verait ' 68,7 MF de 1999 ' 2004 sur un montant total de 370 MF de d'penses
annuelles dinvestissement. Dans sa configuration actuelle, le chapitre 53-30 de la
section Mer du budget de lEtat ne peut manifestement pas supporter ces trois
diff'rents projets.
b) Lexpertise et la coh'rence n'cessaires ne sont
pas assur'es
Ind'pendamment des budgets disponibles et des r'gles
de participation, lEtat doit 'tre capable darbitrer entre les projets. Selon
les textes, les programmes dinvestissement des ports font lobjet dun
contr'le tr's strict de lEtat. Dans les ports autonomes, aux termes de
larticle R. 115-1 du code des ports maritimes, " la prise en
consid'ration des avant-projets des travaux de construction, dextension et de
modernisation [ entra'nant une participation de lEtat] et lautorisation des
dits travaux font lobjet de d'cisions du ministre apr's avis du conseil
dadministration ". Pour les travaux et outillages effectu's sans
concours financier de lEtat, le conseil dadministration statue
d'finitivement, mais dans la limite du montant des d'penses dexploitation et des
op'rations en capital figurant aux 'tats pr'visionnels, et des autorisations
demprunts et de programmes dinvestissement accord'es par le comit' des
investissements ' caract're 'conomique et social (CIES, ayant succ'd' au fonds de
d'veloppement 'conomique et social - FDES). Les ports dint'r't national sont
soumis ' un dispositif similaire.
A premi're vue, lEtat dispose donc de moyens
r'els pour contr'ler les investissements des ports autonomes ou dint'r't
national et d'cider dapporter ou non son concours financier en connaissance de
cause. En r'alit', l'valuation 'conomique et financi're pr'alable et la
capacit' de lEtat de choisir souffrent de grandes faiblesses.
Les m'thodes d'valuation 'conomique et
financi're
LEtat, qui ne dispose pas doutils et
dinstance dexpertise de qualit', en dehors des ports autonomes qui sont
souvent ' la fois demandeurs et experts, d'pend d's lors totalement des 'tudes que
ceux-ci r'alisent. Avant quil se d'cide ' investir, des contr'les de coh'rence
et de vraisemblance sur ces 'tudes sont indispensables. Or ce nest que depuis la
r'organisation des administrations centrales charg'es de la mer, r'sultant du d'cret
n' 97-164 du 2 f'vrier 1997 et des arr't's du 30 mai 1997, que la direction des
ports dispose dune " mission des 'tudes 'conomiques, de la recherche et
des statistiques ".
En outre, toutes les op'rations de gestion de cr'dits
et dautorisations financi'res se fondent ' lorigine sur une interrogation
des ports par la direction. Cette proc'dure accentue la position de d'pendance de
ladministration centrale ' l'gard des ports.
En la mati're, la Cour rel've que le r'le
d'terminant revenant au commissaire du Gouvernement et organis' par le code des ports
maritimes nest actuellement pas exerc'. Le code pr'voit en effet que le
commissaire du Gouvernement, ing'nieur g'n'ral des ponts et chauss'es, " contr'le
lensemble des op'rations du conseil dadministration et v'rifie le
fonctionnement de tous les services ", " sur place, au moins une fois
par an ". Il " 'tablit chaque ann'e un rapport densemble ayant
pour objet de rendre compte de la situation du port ' la fin de lexercice
pr'c'dent, au point de vue technique, 'conomique et financier ". En
outre, pour lapprobation des travaux pour lesquels le conseil dadministration
ne peut statuer d'finitivement, le ministre charg' des ports statue sur le rapport du
commissaire du Gouvernement.
Or, en pratique, ces contr'les ne sont pas exerc's :
aucun des commissaires du Gouvernement n'tablit de rapport annuel, ne contr'le les
services, ni ne fait rapport sur les projets de travaux faisant lobjet dun
remboursement de la part de lEtat. Le cas du rapport du commissaire du Gouvernement
des ports autonomes du Havre et de Rouen, portant sur la coordination des strat'gies des
ports de Haute Normandie nest quune exception, qui, de plus, ne sinscrit
pas dans les cas pr'vus par le code.
Lexemple du programme dapprofondissement '
10,5 m'tres du chenal dacc's au port de Rouen, financ' ' 80 % par
lEtat conform'ment au code des ports maritimes, illustre la n'cessit' de
contr'les de coh'rence et de vraisemblance sur les 'tudes des ports. Le
" plan 2000 " du port pr'voyait lengagement de travaux '
hauteur de 350 MF au cours de la p'riode 1995-2000, dont 110 MF figuraient au
contrat de plan Etat-r'gion 1994-1998. L'tude ayant fond' la d'cision initiale
avait 't' faite par les services du port en 1992 et concluait ' un taux de rentabilit'
interne de 14,4 % ; remise ' jour en 1995, cette 'tude aboutit ' un taux de
rentabilit' interne de 18,9 %. Une 'valuation r'alis'e par le commissaire du
Gouvernement ' la demande de la direction des ports est revenue sur les hypoth'ses de
trafic du port ainsi que sur l'valuation des avantages li's ' la r'alisation du
projet et a abouti ' un faible taux de rentabilit' de 5,3 % pour une variante
dhypoth'ses moyennes. En variantes haute et basse, le taux 'tait 'valu' ' 10,8
% et 0,1 %.
Le commissaire du Gouvernement estimait donc que la
r'alisation du projet aurait un co't net pour la collectivit' nationale, alors que son
abandon ne conduirait au pire qu' des d'tournements de trafic au profit du Havre
et non au profit de concurrents nord-europ'ens. La d'cision finalement prise par
lEtat en mars 1996 a 't' de sen tenir ' un approfondissement '
10,3 m'tres, r'duisant ainsi linvestissement de 350 ' 156 MF sur trois ans,
financ' ' hauteur de 100 MF par lEtat, 20 MF par le conseil r'gional et 36 MF par
autofinancement du port. Certes, ce choix a satisfait le conseil dadministration et
les usagers du port. Mais il d'montre surtout lint'r't et la n'cessit'
dun contr'le par lEtat des 'tudes 'conomiques pr'alables r'alis'es par
les ports.
La capacit' darbitrage de lEtat
Les contrats de plan Etat-r'gion
Cette capacit' dexpertise de lEtat devrait
'tre particuli'rement renforc'e au stade de l'laboration des contrats de plan
Etat-r'gion, qui ne font actuellement gu're que reprendre les projets 'labor's par les
ports eux-m'mes sans que lEtat, saisi de projets parfois irr'alistes, exerce un
r'le darbitre.
Le contrat de plan Etat-r'gion pour 1994-1998 relatif
au port autonome de Dunkerque en fournit un exemple. Lessentiel des objectifs du
port autonome sur la p'riode figure en effet dans la convention d'ex'cution du contrat
de plan, assortie dun programme dinvestissements dun montant de 1,4
milliard de francs. Or cette convention sest content'e de reprendre les termes du
contrat de d'veloppement du port 'labor' en avril 1992, contrat correspondant lui-m'me
aux orientations fix'es d's septembre 1990 par le sch'ma directeur du port, qui visait
' "d'finir les perspectives de d'veloppement ' l'horizon 1995". Il ressort
de cette succession de documents planificateurs que le contrat de plan Etat-R'gion n'a
pris aucun recul par rapport ' des analyses plut't anciennes, essentiellement issues du
port, et de caract're nettement volontariste. La convention de d'veloppement s'appuyait
sur l'affirmation de deux vocations essentielles du port : une "vocation
industrielle" (trafic de vracs liquides et solides, en partie trait's sur place) et
une "vocation commerciale internationale", correspondant ' la priorit'
affich'e " de redevenir le port de commerce international de la r'gion
Nord-Pas de Calais " gr'ce au d'veloppement du trafic de marchandises diverses
(objectif minimal de 150 000 conteneurs et ' terme de 400 000 conteneurs). Ces
orientations ont conduit ' lachat de deux portiques
" overpanamax " (cf. lexique) ' hauteur de 70 MF, financ's '
50 % par la r'gion.
Ce nest quen avril 1996 que la
" contribution Etat/R'gion au d'bat pour un complexe interportuaire
r'gional " sest born'e ' qualifier le port de Dunkerque de "port
industriel de marchandises en vrac" et a fait 'tat des risques de la strat'gie du
port autonome en mati're de conteneurs, en signalant "un risque d''chec si
l'analyse du contexte et du march' fait plus de place ' l'ambition qu'aux r'alit's et
minimise les capacit's de r'action de la concurrence", ainsi qu'un "risque de
concurrence interne ' la r'gion". De m'me, ce nest que tr's
tardivement, en septembre 1996, que le port autonome a r'vis' sa strat'gie de
d'veloppement et ses objectifs en mati're de conteneurs, qui visait ' moyen terme un
trafic de 100 000 conteneurs par an. Une r'vision du contrat de d'veloppement portuaire
'tait 'galement propos'e, incluant labandon de lam'nagement dun
nouveau terminal en darse 4 (245 MF pr'vus), symbole du caract're excessivement
volontariste et irr'aliste des ambitions du port.
D's lors que le contrat de plan 'tait fond' sur des
pr'visions de trafic irr'alistes, les engagements financiers fix's nont pu 'tre
honor's par le port, ni d'ailleurs par l'Etat, alors que la r'gion avait d'j' fourni
pour sa part une large contribution financi're : en effet, elle avait engag' 75 % de sa
contribution fin 1995 tandis que les taux dengagement 'taient de 53 % (43 % en
septembre 1996) pour le port et de 5 % (28 % en septembre 1996) pour lEtat.
De mani're g'n'rale, pour l'laboration des
pr'c'dents contrats de plan Etat-r'gion, la Cour a relev' que les instructions du
minist're charg' des transports aux pr'fets ont 't' rares et peu contraignantes. En
labsence de priorit's nationales affirm'es, les op'rations concern'es par ces
contrats sont d'pourvues de coh'rence (cf. rapport public 1998, p. 137-150). De
surcro't, alors quune des innovations du dixi'me plan 'tait lint'gration
dun dispositif d'valuation dot' dun financement sp'cifique, le
domaine des ports na pas 't' inclus dans le champ de ce dispositif.
Concernant la pr'paration de la prochaine g'n'ration
des contrats de plan entre lEtat et les r'gions, la DTMPL estime que
" leffort de lEtat para't devoir se concentrer sur deux axes
prioritaires : un nombre tr's limit' de grands projets dextension portuaire,
tels le projet " Port 2000 " au Havre (...) et le projet
dextension du port de Nantes-Saint-Nazaire ' Donges-Est ; une n'cessaire remise en
'tat douvrages existants, qui ont souffert dun d'faut prolong'
dentretien, et une adaptation progressive des infrastructures, en fonction de
l'volution des trafics ".
A cet effet, une circulaire de la DTMPL du 30 avril 1998
adress'e aux pr'fets a engag' ' nouveau une 'valuation prospective des besoins des
ports dint'r't national en mati're dentretien et de restauration des
ouvrages non conc'd's pour la p'riode 2000-2009. Elle vise ' actualiser les donn'es
fournies en 1994 sur les recommandations dune pr'c'dente circulaire du 5 ao't
1994. Ces donn'es pr'voyaient un programme de 1,6 milliard de francs pour la p'riode
1995-2004, dont 390 MF au titre des travaux de dragage.
En outre, la direction compte renforcer sa capacit'
dexpertise, pour mieux choisir les investissements, gr'ce ' la mise ' jour
syst'matique danalyses par fili'res de produits. Il faut relever que les seuls
travaux de ce type ont 't' r'alis's en 1996.
Le r'le du comit' des investissements ' caract're
'conomique et social (CIES)
Le processus de d'cision relatif aux programmes
dinvestissements relevait du comit' n' 8 du fonds de d'veloppement 'conomique et
social (FDES) et consistait principalement ' examiner les projets demprunts des
ports. Jusquen 1996, lEtat ne sest pas donn' les moyens de faire
'voluer lensemble de ces r'gles et proc'dures, ce qui a eu pour cons'quence que
les choix de soutien ' linvestissement ou dentretien des infrastructures
portuaires ont 't' op'r's de fa'on peu satisfaisante.
Ce processus a 't' am'lior' par le comit' des
investissements ' caract're 'conomique et social (CIES) cr'' par le d'cret du 27
novembre 1996 et substitu' au FDES. Le programme des investissements des ports et le
volume demprunts autoris's sont arr't's par d'cision du CIES. Celui-ci
" se prononce sur ces programmes, le rythme de r'alisation des travaux et leur
mode de financement, en fonction des orientations des politiques publiques, de la
situation des entreprises et organismes concern's, des textes les liant ' lEtat,
de la situation des finances publiques et des march's financiers et de lint'r't
propre des projets examin's ".
Jusquen 1995, les documents fournis au conseil de
direction du FDES 'taient tr's succincts. Depuis lors, des fiches dinformation par
port sont 'tablies. Cependant, l'valuation 'conomique et financi're des
principaux projets dinfrastructures et de superstructures, ' l'chelle
nationale ou r'gionale, nest pas syst'matiquement pr'sent'e. Cest
seulement depuis 1997 que la direction des ports, comme pour les autres projets
dinvestissements en mati're de transports, soumet certains projets portuaires aux
calculs de rentabilit' socio-'conomique et de rentabilit' financi're.
Elle peut sappuyer sur les prescriptions de la
circulaire du 3 octobre 1995 relative aux m'thodes d'valuation 'conomique des
grands projets dinfrastructure, 'labor'e en application de larticle 14 de la
loi dorientation des transports int'rieurs ' la suite des travaux du groupe
pr'sid' par M. Boiteux. Un exemple en est l'valuation socio-'conomique du projet
" port 2000 ", r'alis'e en juin 1997 par le port du Havre, suite '
une demande du CIES du 21 mai 1997, et jointe au dossier du CIES du 7 novembre 1997.
La DTMPL envisageait pour 1998 de pr'parer une
circulaire sp'cifique, simplifi'e et adapt'e aux projets portuaires de dimension plus
modeste, et dorganiser une formation sp'cifique sur ce sujet ' lattention
des ma'tres douvrage portuaires. Rien na encore 't' fait en ce sens.
En outre, compte tenu de la faiblesse des moyens de
gestion que les services du comit' mettent en uvre, le travail de pr'sentation et
de tri est principalement effectu' par la direction charg'e des ports. Au demeurant,
compte tenu du nombre des programmes soumis, la direction du tr'sor, qui assure le
secr'tariat du CIES, reconna't elle-m'me que le comit' ne peut expertiser de mani're
satisfaisante tous les investissements dun port, quil se limite aux projets
les plus significatifs et que lexamen est fait au cas par cas, sans aucune approche
densemble. La nouvelle proc'dure napporte donc pas de surcro't
dexpertise. Elle pr'sente, en revanche, lavantage d'valuer plus
s'rieusement les capacit's de financements des ports, de contraindre les demandeurs '
un effort de rigueur et de renforcer les capacit's de refus de ladministration face
aux pressions locales.
Ce manque de proc'dures adapt'es, du moins
jusqu' une p'riode r'cente, a conduit ' un 'parpillement des moyens, et ' une
absence darbitrage et de hi'rarchisation des priorit's de lEtat.
Lexemple des ports hauts normands est significatif, comme la analys' le
commissaire du gouvernement. Les enjeux des trois grands projets pr'sent's ne sont pas
comparables : extension du port du Havre sur lestuaire (environ 3,1 milliards de
francs hors taxes, dont 2 milliards en premi're phase dici ' 2002),
approfondissement du chenal de Rouen et 'largissement de l'cluse dacc's au
bassin du Commerce de Dieppe (133 MF TTC). Lenjeu du projet " Port
2000 " est de permettre au port du Havre de traiter une part significative du
trafic conteneuris' sur les liaisons Est-Ouest et de concurrencer ainsi Rotterdam, Anvers
ou Zeebrugge. Les deux autres projets, sils pr'sentent un int'r't local et
r'gional certains, ne peuvent 'tre consid'r's comme relevant dune priorit'
strat'gique au niveau national. N'anmoins, le projet dieppois a 't' retenu et une
demi-d'cision a 't' prise concernant Rouen, o' lEtat a tranch' in fine en
faveur dune solution de facilit' interm'diaire.
En outre, la Cour a relev' que ni les repr'sentants de
lEtat au conseil dadministration, ni le contr'leur dEtat ou le
commissaire du Gouvernement, nont toujours v'rifi' le respect effectif des
d'cisions prises au niveau national par le conseil de direction du fonds de
d'veloppement 'conomique et social. Des autorisations demprunts fix'es ont 't'
contourn'es. Ainsi, pour financer lacquisition de 52,5 MF de terrains ' la
soci't' Grande Paroisse et en labsence dun autofinancement suffisant, le
port autonome de Rouen a mis en place en 1993 un montage financier qui ne se conformait
pas aux autorisations requises : la soci't' Grande Paroisse a accord' au port une
avance de 41 MF remboursable sur quatre ans. Le conseil dadministration a
approuv' cette proc'dure contraire ' lesprit et ' la lettre des r'gles de
contr'le par la tutelle.
Enfin, la nouvelle proc'dure du CIES laisse sans
solution plusieurs probl'mes. Dune part, le suivi des investissements r'alis's et
leur 'valuation a posteriori ne sont pas effectu's : le CIES autorise mais ne suit pas
la r'alisation. Dautre part, le processus actuel se fonde sur le principe
dune intervention annuelle peu adapt'e ' des programmes qui se d'roulent sur
plusieurs ann'es. Enfin, il masque le r'le d'cisif des ports autonomes, qui
investissent pour le compte de lEtat. La situation nest dailleurs pas
tr's diff'rente dans le cas des ports dint'r't national, o' le poids des fonds
de concours donne aux chambres de commerce et dindustrie un droit de regard d'cisif
sur la r'alisation des ouvrages.
En conclusion, en labsence de politique
volontariste et s'lective, et dans un contexte de restriction budg'taire, les d'cisions
dinvestissement sont marqu'es par une grande dispersion des efforts. Face aux
int'r'ts sectoriels ou particuliers, lEtat est d'pourvu de moyens d'tudes
et d'valuation suffisants. Il est en outre tenu par une classification des ports
peu r'aliste, par un code des ports qui loblige ' participer aux d'penses dans
des proportions pr'fix'es, et par des proc'dures de concertation qui le placent dans
une situation de forte d'pendance des ports. D's lors, pour 'viter tout probl'me, il
est souvent amen' ' prendre des d'cisions qui satisfont plus les parties en pr'sence
quelles ne pr'servent lint'r't g'n'ral.
Recommandations
- veiller ' ce que la DTMPL conserve les donn'es de
lex'cution de ses budgets sur une plus longue p'riode, contr'le le caract're
exhaustif et la coh'rence de ces donn'es sur les derniers exercices et dispose
danalyses plus fines sur lorigine des fonds de concours par port ;
- r'viser les dispositions r'glementaires imposant ' lEtat le remboursement des
travaux dentretien et dinfrastructures des ports autonomes et lui redonner une
r'elle capacit' dorientation de la politique portuaire par ses interventions
financi'res ;
- tirer les cons'quences de la r'duction des dotations budg'taires en hi'rarchisant
les priorit's dinvestissement de lEtat ; fonder les arbitrages (contrat de
plan, proc'dure du comit' des investissements ' caract're 'conomique et social) sur
des priorit's affirm'es dans un sch'ma national coh'rent ; renforcer la capacit'
dexpertise et darbitrage de lEtat en mati're dinvestissement au
stade de l'laboration des contrats de plan Etat-r'gion ;
- effectuer syst'matiquement des contr'les de coh'rence et de vraisemblance sur les
'tudes pr'alables des projets dinvestissement des ports ; 'tablir une circulaire
relative aux m'thodes d'valuation 'conomique des grands projets
dinfrastructure qui soit adapt'e aux projets portuaires et organiser une formation
sp'cifique sur ce sujet ' lattention des ma'tres douvrage ; faire exercer
effectivement le r'le de contr'le des commissaires du Gouvernement tel que pr'vu par le
code des ports maritimes, ou le supprimer sil est jug' quil ny a pas
lieu de lexercer.
(31) D'cision n' 92-171 L du 17 d'cembre 1992 du
Conseil constitutionnel.
(32) Source : Office parlementaire d'valuation
des politiques publiques, La politique maritime et littorale de la France : les ports
(III), p. 67-68, mars 1998.
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