LA POLITIQUE
PORTUAIRE FRANCAISE
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2' La r'forme de la manutention
a) Le nouveau r'gime de travail
de la manutention portuaire
La situation ant'rieure ' 1992
Avant l’entr'e en vigueur
de la loi du 9 juin 1992, le r'gime de travail des dockers 'tait r'gi par la loi du 6
septembre 1947, qui faisait suite ' un dispositif l'gal et r'glementaire mis en
œuvre en 1939 et 1941. Un arr't' du 13 mai 1939 avait subordonn' l’acc's
dans les ports des " ouvriers dockers et tous ouvriers travaillant d’une
mani're intermittente ' l’exploitation du port " ' la d'tention "
d’une carte d’identit' d'livr'e par le directeur du port ou l’ing'nieur
en chef du service maritime ", anc'tre de la carte professionnelle de garantie, dite
" carte G ". L’acte dit loi du 21 juin 1941, promulgu' par le gouvernement
de Vichy, a ensuite institu' les bureaux centraux de la main d’œuvre (BCMO) :
jusqu’alors, " le travail de manutention 'tait demeur' enti'rement libre et
l’embauchage s’effectuait dans des conditions les plus pr'caires, le docker se
rendant de sa propre initiative ' un endroit d'termin' du port o' il n’'tait pas
assur' de trouver du travail, alors que la main d’œuvre pouvait faire d'faut
sur un autre point du port " (expos' des motifs de la loi de 1947). La loi de 1947
compl'tera ce dispositif en instituant une garantie de r'mun'ration en p'riode de
ch'mage, vers'e dans la limite de cent jours par an par une caisse professionnelle, la
Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers, la Cainagod.
Ce statut ' l’origine
'conomiquement efficace et socialement innovant connut rapidement des d'rives :
sous-emploi des effectifs de dockers, contr'le de l’embauche et de la carri're des
dockers par un syndicat unique, accroissement des co'ts du travail. En 1969, le ministre
de l’'quipement pr'senta donc une premi're tentative de mensualisation : son
projet instituait dans certains ports la garantie d’emploi, permettant ainsi aux
ouvriers professionnels de devenir des permanents des entreprises de manutention, de
fa'on ' les rapprocher du statut en vigueur dans les ports allemands ou hollandais.
Confront' ' une gr've de 77 jours, il fut contraint d’abandonner cette r'forme.
Au cours des ann'es
quatre-vingt, de nombreux plans sociaux successifs s’av'r'rent insuffisants '
faire 'voluer le syst'me et red'marrer les trafics, en particulier en raison de la
poursuite des attributions de carte G. De 1982 ' 1986, plus de 1 600 cartes G ont 't'
distribu'es, malgr' la stagnation des trafics et la poursuite de la conteneurisation.
Dans le m'me temps, 2 600 dockers intermittents sont partis en pr'retraite.
Suite ' un contr'le de
l'organisation du service de la main d’œuvre portuaire et des comptes et de la
gestion de la Cainagod au d'but des ann'es quatre-vingt dix, la Cour avait soulign'
l’insuffisance et l’impr'cision des textes relatifs ' la Cainagod et aux BCMO
ainsi que le poids du monopole syndical dans la gestion de la carte professionnelle et
dans l’organisation du principe d’une priorit' d’embauche pour les
ouvriers dockers professionnels. Sur ces diff'rents points, la r'ponse faite ' la Cour
indiquait simplement que la r'forme devrait faire 'voluer les choses.
Les principes de la r'forme
La loi du 9 juin 1992
s’articule autour de quatre id'es : mensualisation, d'p'r'quation de la gestion
des intermittents (c’est-'-dire les ouvriers non mensualis's), ma'trise du taux
d’inemploi, maintien de nombreux particularismes.
La loi visait d’abord '
faire des ouvriers dockers des personnels de droit commun, employ's en contrat ' dur'e
ind'termin'e dans les entreprises de manutention. L’objectif principal 'tait de
redonner ' ces entreprises le pouvoir disciplinaire qui leur 'chappait, de contraindre
les manutentionnaires ' prendre en charge la formation professionnelle et de supprimer le
syst'me des halls d’embauche o' la main d’œuvre se pr'sentait en masse
deux fois par jour.
La loi a, en outre, mis fin au
syst'me de p'r'quation nationale institu' en 1947, o' les employeurs cotisaient pour
indemniser l’inactivit' de l’ensemble des ouvriers dockers au niveau national.
D'sormais, avec la d'p'r'quation, les cotisations doivent financer les indemnit's de
garantie des seuls intermittents de la place et les dockers professionnels intermittents
(ouvriers non mensualis's et titulaires d’une carte G) sont g'r's dans le respect
de deux limites : le taux de vacations ch'm'es par rapport aux vacations travaill'es ne
doit pas d'passer un certain pourcentage (15 ' 30 % selon les ports) ; dans les bureaux
centraux de la main d’œuvre (BCMO), l’effectif des dockers professionnels
intermittents ne doit pas d'passer un certain pourcentage (de 15 ' 20 % selon les ports)
de l’effectif des dockers professionnels de ce bureau.
D's que ces taux maxima sont
d'pass's, le directeur du port autonome ou le chef du service maritime, en sa qualit'
de pr'sident de BCMO et donc de repr'sentant de l’Etat, doit proc'der aux
radiations des dockers en surnombre dans un d'lai de trois mois. Cette obligation lui
incombe. Le l'gislateur ne lui a laiss' aucune marge d’appr'ciation sur
l’opportunit' d’intervenir. Il lui a ainsi impos' une obligation de faire et
de r'sultat. L’indemnisation de ce retrait de carte devait faciliter les radiations
afin d’'viter, comme le pr'cise l’expos' des motifs, le " r'tablissement
chronique, apr's chaque plan social, d’un inemploi inacceptable ".
N'anmoins, les principaux
'l'ments exorbitants du droit commun issus de la loi de 1947 sont maintenus : cartes
professionnelles " G " existantes conserv'es tant pour les ouvriers
mensualis's que pour les intermittents ; r'gime de travail intermittent g'r' par le
BCMO pour les titulaires de la carte G ne souhaitant pas 'tre mensualis's ; instance
paritaire locale du BCMO compos'e de repr'sentants du directeur du port ou du chef du
service maritime de la DDE, des entreprises de manutention et des ouvriers dockers ;
d'finition de " t'ches r'serv'es " aux titulaires d’une carte
professionnelle, 'quivalant ' un " monopole d’intervention ". La loi de
1992 appara't clairement comme une loi de transition. Ce n’est donc qu’avec le
d'part du dernier ouvrier titulaire d’une carte professionnelle, soit vers 2020
puisque le plus jeune est 'g' de 35 ans, que plus aucun r'gime sp'cifique de travail
ne sera applicable.
b) Les limites de la r'forme
L’examen de
l’application de la loi du 9 juin 1992 relative au r'gime de travail de la
manutention portuaire conduit ' formuler trois observations principales. La manutention
portuaire fonctionne selon une organisation encore fort 'loign'e du droit commun du
travail. Des dispositions l'gislatives essentielles de la loi de 1992 et du code du
travail ne sont pas appliqu'es. Certaines dispositions issues de la loi de 1992 se sont
r'v'l'es rapidement inadapt'es, posant d’importants probl'mes pratiques ou de
droit ; pourtant, six ans apr's, elles n’ont pas encore 't' modifi'es ou
supprim'es. Ces observations concernent directement la responsabilit' de l’Etat en
tant que tutelle ou agissant par l’interm'diaire des directeurs de port ou des chefs
de service maritime : c’est ' lui qu’incombent la mission de veiller '
faire appliquer la loi sur tout le territoire, et celle d’'dicter des r'gles
adapt'es.
Une organisation encore fort
'loign'e du droit commun
La loi du 9 juin 1992 a permis
d’introduire des changements importants qui d'coulent de la mensualisation et de la
mise en place d’une convention collective, et vont dans le sens d’une
banalisation du r'gime de travail de la manutention portuaire. N'anmoins,
l’organisation du travail, encore 'loign'e du droit commun, en particulier en
mati're de libert' d’embauche et de licenciement, reste marqu'e par le poids
d’une gestion collective, illustr'e par les modalit's du recrutement des ouvriers
" occasionnels ".
Certes, des 'l'ments
empruntent au droit commun
Des 'l'ments de droit commun du
travail sont d'sormais introduits dans l’organisation du travail de la manutention
portuaire. Les ouvriers sont largement mensualis's dans les entreprises. La
mensualisation, qui s’est faite plus rapidement que pr'vu, en particulier dans les
petits et moyens ports, n’a eu lieu que tardivement au Havre (ao't 1993) et
partiellement ' Marseille (mai 1993), o' subsistent 70 % des 632 dockers professionnels
intermittents de France, soit 41 % des 1 093 dockers de la place au 31 d'cembre
1997. Le recours ' l’int'rim pour la main d’œuvre d’appoint ou
l’embauche de jeunes est d'sormais utilis' ' Dunkerque, St Malo, Lorient (p'che),
Caen, Rouen et Nice. Il est pratiqu' sous la forme de contrats de qualification '
Dunkerque. En outre, fait nouveau, des retraits de carte professionnelle apr's
licenciement pour faute ont 't' d'cid's par les pr'sidents des bureaux centraux de la
main d’œuvre (BCMO, cf. tableau joint en annexe n' 4).
Une convention collective commune
couvre l’ensemble des salari's de la manutention portuaire et l’ensemble des
ports fran'ais. Elle pose le principe de la polyvalence possible entre niveau
hi'rarchique et entre fili'res. Elle d'finit une classification des emplois pour
l’ensemble des fili'res de la manutention portuaire : exploitation, administration
et maintenance. La notion d’ouvrier docker y est r'duite aux deux premiers niveaux
de qualification de la fili're " exploitation portuaire ".
Le contr'le de
l’application de la l'gislation du travail ' la manutention portuaire a 't'
transf'r' des ports et services maritimes ' l’inspection du travail de droit
commun. L’enqu'te de la Cour a toutefois r'v'l' les difficult's et les carences
dont souffrait ce service. La direction des relations du travail du minist're de
l’emploi et de la solidarit' a r'pondu qu’elle comptait renforcer la
coordination sp'cifique des inspecteurs du travail affect's ' des zones portuaires.
Elle envisage pour ce faire une r'union destin'e ' favoriser un 'change des pratiques
professionnelles et une analyse des situations, qui donnerait lieu par la suite ' des
instructions 'crites aux services, en compl'ment de la seule et unique circulaire du 18
mars 1993 sur le sujet.
Mais le syst'me demeure encore
'loign' du droit commun du travail
Les textes de 1992 traduisent une
absence de libert' r'elle d’embauche et de licenciement ' travers le m'canisme
des priorit's d’embauche et par le maintien des cartes G, d'finis ' l’article
L. 511-2 II. du code des ports maritimes. Le pouvoir de licencier est doublement contraint
: par le droit, pour les ouvriers titulaires d’une carte G, de revenir au syst'me de
l’intermittence, ce qui conduit ' la r'ouverture obligatoire des BCMO
ant'rieurement mis en sommeil, d’une part ; par l’obligation pour les
manutentionnaires de recruter en priorit' les titulaires d’une carte G, ce qui
'quivaut ' devoir faire appel aux m'mes ouvriers, apr's les avoir licenci's,
d’autre part.
En outre, la main
d’œuvre, bien que mensualis'e au sein d’entreprises distinctes, demeure
g'r'e au niveau de l’ensemble de la place portuaire : il en va ainsi ' Marseille
et ' Bordeaux pour l’'volution des r'mun'rations, tandis qu’au Havre et '
Marseille, la gestion des œuvres sociales est assur'e par des comit's
interentreprises. Les causes de cette mutualisation sont multiples : n'cessit'
'conomique d’organiser des pr'ts de main d’œuvre interentreprises pour
g'rer les pointes d’activit' ; persistance du monopole syndical,
l’organisation syndicale locale contr'lant les embauches et s’imposant comme
interlocuteur unique des employeurs au niveau d’une m'me place portuaire ; cr'ation
de groupements d’entreprises par les employeurs (' Caen, Saint-Malo, Lorient,
Nantes, La Rochelle, Saint-Nazaire). Ces structures, qui ne sont pas contestables en
elles-m'me, recr'ent en fait des " BCMO priv's " qui ne favorisent pas
le rattachement des ouvriers ' une seule entreprise.
Le recours au pr't de main
d’œuvre, largement pratiqu' dans la plupart des ports, att'nue aussi les
effets de la mensualisation des dockers dans une entreprise. L’inspection du travail
n’a cependant pas constat' jusqu’ici de cas o' le pr't de main
d’œuvre serait effectu' dans un but lucratif, par exemple en cas de facturation
de la main d’œuvre pr't'e, non seulement ' hauteur du co't de la dur'e du
pr't, mais augment'e de l’inemploi mensuel des ouvriers, ce qui pourrait 'tre
qualifi' de d'lit de marchandage.
On constate aussi que la gestion
des dockers n’est pas int'gr'e avec celle des autres personnels de la manutention
portuaire : dans plusieurs ports, les entreprises ont cr'' des structures
sp'cifiques pour mensualiser les dockers, les s'parant ainsi de leur personnel
administratif et de maintenance. C’est particuli'rement le cas au Havre, mais aussi
' Bordeaux. Le fait que les dockers soient isol's dans une soci't' de main
d’œuvre accro't de fait leur diff'renciation des autres salari's et donc leur
tendance ' chercher des structures de gestion commune ' l’'chelle de la place.
La conjugaison de restrictions '
l’embauche avec une gestion maintenue au niveau de la place portuaire entra'ne des
contraintes importantes pour les entreprises, parfois d’ailleurs souhait'es par
celles-ci. Ces contraintes sont bien illustr'es par les r'gles r'gissant l’emploi
des intermittents ou le recrutement des dockers occasionnels. Ainsi, dans tous les ports
qui conservent un BCMO et des intermittents, les employeurs ont 't' amen's ' accorder
une garantie minimale d’emploi aux intermittents. C’est en particulier le cas
dans les ports autonomes de Rouen (3,5 jours par semaine), de Nantes (idem) et de
Marseille. Ces syst'mes, contraires aux intentions du l'gislateur, r'duisent
consid'rablement la souplesse r'siduelle que le maintien de l’intermittence permet
d’escompter.
Concernant les occasionnels,
d'finis comme " toute personne qui effectue un travail de docker au sens du
code des ports maritimes ", (21) le minist're charg' des ports a d'
' plusieurs reprises pr'ciser les dispositions applicables : absence d’obligation
de passer par un lieu d’embauche, recensement a posteriori. N'anmoins, la pratique
relev'e ' Bordeaux, Saint Nazaire, Marseille et Brest montre une tendance ' organiser
un rep'rage a priori, voire ' fixer une liste ' laquelle les employeurs doivent
obligatoirement recourir. Cette pratique va ' l’encontre du principe selon lequel
toute personne peut pr'tendre devenir ouvrier docker occasionnel.
Parmi ces diff'rents points, la
circulaire interminist'rielle du 22 d'cembre 1998 relative ' la manutention portuaire
n’aborde que celui de la mensualisation au sein de groupements
d’entreprises : " dans l’avenir, la pr'dominance de la
mensualisation doit encore s’accentuer. La mensualisation au sein d’entreprises
individualis'es contribue ' am'liorer la formation des personnels nouvellement
recrut's ou d'j' embauch's, ainsi que la s'curit' du travail (...). Il serait
pr'f'rable [ que les recrutements de jeunes dockers] soient effectu's dans des
entreprises de manutention plut't que par des groupements d’entreprises dont le
r'le consisterait exclusivement ' faire du pr't de personnel. "
Malgr' les avanc'es de la
convention collective, le rapport de forces entre employeurs et salari's de la
manutention portuaire conduit ' ce que certaines dispositions essentielles de la loi de
1992 et du code du travail demeurent inappliqu'es.
Le non respect de la
d'finition restrictive des " travaux r'serv's "
La d'finition restrictive des
t'ches imposant une priorit' d’embauche des cartes G n’est pas toujours
respect'e, en particulier au Havre. Une particularit' du r'gime de travail de la
manutention portuaire, qui visait, dans le cadre de la loi de 1947, ' garantir
l’activit' des dockers intermittents des BCMO, r'side en effet dans
l’existence de " travaux r'serv's ", expression inscrite dans la
convention collective. Ces travaux sont d'finis par l’article R. 511-2 du code des
ports maritimes. La priorit' d’embauche 'quivaut ' organiser un monopole
d’intervention des titulaires d’une carte G pour les t'ches suivantes :
op'rations de chargement et de d'chargement des navires et bateaux aux postes publics ;
op'rations effectu'es dans des lieux ' usage public (terre-pleins, hangars ou
entrep'ts) situ's ' l’int'rieur du domaine public maritime, et portant sur des
marchandises en provenance ou ' destination de la voie maritime. Par d'rogation ' ces
dispositions, d’autres op'rations peuvent 'tre effectu'es sans avoir recours ' la
main d’œuvre des ouvriers dockers, notamment la reprise sur terre-pleins ou sous
hangars et le chargement sur wagons ou camions par le personnel du propri'taire de la
marchandise.
Selon la loi, la priorit'
d’embauche r'serv'e aux dockers ne s’applique pas aux postes dits priv's ou
' usage privatif, r'serv's aux titulaires d’une occupation temporaire du domaine
public sans obligation de service public. En outre, certaines t'ches ne leur sont plus
r'serv'es, comme le pointage ' bord des navires, le tri, le classement et le relevage
des bois.
Alors que la loi doit 'tre
d’interpr'tation stricte, comme le pr'cise un avis du tribunal administratif de
Lille du 4 juin 1991 relatif ' la loi de 1947, proche de celle de 1992 sur ce point, les
dockers revendiquent p'riodiquement un monopole d’intervention pour des t'ches ne
ressortissant pas de leur comp'tence. C’est le cas en particulier au Havre, o' les
employeurs ont la m'me attitude (22), mais aussi ' Nantes-Saint-Nazaire, Marseille,
Bayonne, La Rochelle, Concarneau et Boulogne : ils tentent soit d’'tendre leur
intervention ' des t'ches du type brouettage/camionnage ; soit d’intervenir hors du
domaine public maritime ou dans des lieux ' usage privatif ; soit ils revendiquent toutes
les op'rations selon le crit're du domaine public maritime et toutes les op'rations de
transbordement.
Au Havre, cette position a
conduit ' des conflits s'v'res entre les manutentionnaires et les entreprises de
transport routier. En outre, en raison de cette revendication et du co't de la
manutention, le port autonome du Havre rencontre des difficult's ' louer les hangars
publics, tandis que les travaux sous hangars priv's ou occup's ' titre privatif
continuent de se rar'fier. Sur le plan 'conomique, les effets sont donc doublement
dommageables pour le d'veloppement du port autonome du Havre. D’une part, le
d'veloppement des zones logistiques du port autonome est entrav'. D’autre part, le
d'veloppement des activit's de transbordement de conteneurs risque d’'tre frein'
par le surco't des op'rations, estim' entre 30 et 60 % du co't des autres op'rateurs
priv's. De ce fait, l’organisation de la manutention portuaire et la limitation du
champ d’intervention des dockers sont un 'l'ment d'terminant pour la r'ussite du
projet d’extension du port, dit " Port 2000 ".
A Marseille, l’accord de
mars 1993 inclut parmi les travaux effectu's par les dockers de nombreuses t'ches qui ne
leur reviennent pas juridiquement (saisissage, empotage/d'potage,
chargement/d'chargement des bateaux fluviaux, pointage ou r'ception/livraison). Les
ouvriers font aussi pression pour effectuer le brouettage des conteneurs ' Fos
jusqu’' la plate-forme Distriport, situ'e hors du domaine public maritime.
Ces empi'tements multiples et
r'p't's et la pression permanente exerc'e par les dockers pour obtenir un monopole
d’intervention pour des t'ches ne ressortissant pas de leur comp'tence n’ont
aucun fondement juridique et sont dommageables d’un point de vue 'conomique et du
point de vue de l’autorit' de l’Etat. Sur cette question, la circulaire
minist'rielle du 27 d'cembre 1998 relative au d'veloppement des investissements et des
emplois dans les ports fait un bref rappel des textes avant de d'clarer que
" pour les op'rations de manutention portuaire, l’objectif de
l’emploi dans la fili're portuaire s’appuiera sur la pleine utilisation des
ouvriers dockers professionnels ".
L’absence de retrait de la
carte professionnelle
En cas de d'passement d’un
certain taux d’inemploi des dockers professionnels intermittents ou en cas de
proportion trop 'lev'e des intermittents par rapport aux mensualis's, l’Etat a
l’obligation de proc'der au retrait de cartes professionnelles. V'ritable "
soupape " du syst'me r'siduel de l’intermittence et qualifi'e de
" pilier de la r'forme " du 9 juin 1992, cette obligation n’a
n'anmoins quasiment jamais 't' mise en œuvre depuis 1992, alors que les taux
maxima d'finis par la loi ont 't' d'pass's ' de nombreuses reprises et sur de
longues dur'es (cf. tableau r'capitulatif en annexe n'4)
A Marseille, en particulier,
alors que l’effectif des dockers professionnels intermittents ne doit pas d'passer
15 % ' Marseille-Est et 20 % ' Marseille-Ouest de l’effectif total des dockers
professionnels des bureaux au 1er janvier 1992, cet effectif s’'levait '
18 % ' Marseille Est et ' 22 % (154 sur 678) ' Marseille Ouest au 31 d'cembre
1997, du fait du retour au BCMO de nombreux intermittents, suite ' la liquidation de
l’entreprise Somotrans en juin 1997. Interrog'e par la Cour sur l’absence
constat'e de mesure de radiation, la direction du transport maritime, des ports et du
littoral a indiqu' qu’elle " [ n’envisageait pas] , en l’'tat
actuel des choses, de donner des instructions (...) au pr'sident du BCMO " pour
qu’il applique la loi.
Les deux seules d'cisions de
retrait de carte en raison du taux d’inemploi sur la p'riode 1992-1997 ont concern'
Dieppe en octobre 1993 et Bayonne en septembre 1996. Elles n’ont 't' prises
qu’apr's que le service maritime se fut assur' que le docker concern' avait re'u
une proposition ferme d’embauche.
Certes, la seule menace de
radiation pour cause de d'passement du taux maximal autoris' par la loi a souvent
facilit' la n'gociation d’un accord local de plan social et/ou de mensualisation.
Ce fut le cas ' St Malo en novembre 1993, ' Dunkerque en janvier 1994 et mars 1996 ou '
Lorient en juillet 1996.
N'anmoins, les pouvoirs publics
ne se sont jamais r'solus ' appliquer strictement la loi. Interrog' par la Cour, le
minist're de l’emploi et du travail a m'me affirm', en d'cembre 1998, que
" l’Etat ne peut toutefois se substituer aux partenaires sociaux pour faire
appliquer cette disposition. En outre, le minist're (...) n’a pas de comp'tence
sp'cifique pour agir en la mati're, dans la mesure o' il n’y a pas de
repr'sentant de ses services au BCMO ". Or le Conseil d’Etat a clairement
jug' que le BCMO constituait une " section professionnelle du service
d'partemental de la main d’œuvre " et rappel' que les d'cisions
d’attribution et de retrait de la carte 'taient prises par le pr'sident du BCMO
agissant en tant que repr'sentant de l’Etat (23).
En outre, ' Nantes, Rouen et
Marseille, les partenaires locaux ont eux-m'mes mis en place des syst'mes visant
pr'cis'ment ' 'viter d’atteindre les seuils au-del' desquels les radiations
interviennent.
Etat et partenaires sociaux sont
donc co-responsables d’une situation o' les pratiques et les accords organisent une
transgression permanente de la loi ou un respect factice des seuils qu’elle fixe, ce
qui permet, en r'alit', d’en contourner les objectifs. Une telle d'mission de
l’Etat revient non seulement ' ignorer d'lib'r'ment la volont' du l'gislateur,
mais encore le prive d’un instrument essentiel de r'gulation 'conomique des ports.
A l’avenir, il devrait donc en restaurer l’usage.
Les pratiques discriminatoires
' l’embauche
Les pratiques discriminatoires '
l’embauche, illustr'es par l’attribution pr'f'rentielle de travaux
occasionnels aux fils de dockers, sont habituelles. La r'forme de 1992 n’a apport'
aucun changement aux pratiques ant'rieures qualifi'es de syst'me de " closed
shop ". Or la discrimination ' l’embauche est une infraction r'prim'e par
l’article L. 123-1 du code du travail et par l’article 416 du code p'nal.
L’accord sign' au Havre le
16 ao't 1996 avait le m'rite d’'tre explicite : " Les embauches (...)
ne pourront se faire que dans le cadre du respect des priorit's d’embauche suivantes
: (...) fils de dockers de l’entreprise concern'e, 'g's de 18 ans, n's ' compter
du 1.1.78 ; fils de dockers des autres entreprises, 'g's de 18 ans, n's ' compter du
1.1.78 ; fils de dockers 'g's de 19 ' moins de 25 ans, n's ' compter du 1.1.72. (...) ".
Cette clause a 't' d'nonc'e par le groupement d’employeurs, le Procureur de la
R'publique ayant pr'cis' en septembre 1997 qu’elle pouvait faire l’objet de
poursuites p'nales, et le pr'fet de r'gion l’ayant jug'e nulle et non avenue en
f'vrier 1997. Dans l’accord local de Bordeaux du 12 juillet 1995 il est
indiqu' ' l’article 4, relatif ' la main d’œuvre compl'mentaire, que
les entreprises peuvent " favoriser l’emploi de membres de la famille des
salari's de la fili're exploitation portuaire ".
L’existence d’un "
tropisme familial " dans le choix d’une profession est un fait sociologique
qu’il est difficile d’'viter et qui n’est pas n'cessairement n'gatif.
Tout autre est, en revanche, la situation qui consiste ' prohiber toute embauche
ext'rieure.
Les abus en mati're
d’accidents du travail
Le r'gime favorable
d’indemnisation des accidents du travail conduit ' ce que les incapacit's
temporaires se multiplient lorsque le ch'mage des intermittents s’accro't dans un
port. Au cours de plusieurs contr'les de caisses primaires d’assurance maladie, la
Cour a relev' des disproportions flagrantes entre le poids des dockers parmi les assur's
et le poids relatif des indemnit's journali'res per'ues (rapports de 1 ' 60 ou de 1 '
80), et des 'carts notoires entre les d'penses moyennes par personne et les d'penses
par docker (rapport de 1 ' 28) et par arr't de travail (rapport de 1 ' 3) dans un m'me
d'partement. Des statistiques du comit' technique national des industries des transports
montrent aussi qu’en 1993, le montant des prestations d’indemnisation des
accidents du travail vers'es par arr't s’'levait ' 21 225 F pour le
personnel mensualis' des entreprises de manutention, ' 74 760 F pour les
ouvriers dockers intermittents, contre 12 955 F pour le personnel de manutention des
gares ferroviaires.
Le rapprochement pour chaque
ann'e, du nombre de vacations d'clar'es en accidents du travail, et du nombre moyen
annuel de dockers professionnels intermittents mesur' par la Cainagod fait appara'tre
que les dockers intermittents ont 't' en situation d’accident du travail pendant 30
' 43 jours par an en moyenne depuis 1992.
La direction de la s'curit'
sociale du minist're de l’emploi et de la solidarit' a fait proc'der ' une
actualisation de ces donn'es par la Caisse nationale de l’assurance maladie des
travailleurs salari's. Elle confirme ces disproportions, qui ne s’expliquent pas
seulement par les risques inh'rents ' la profession. Il en ressort qu’en 1997, la
proportion des dockers ayant subi un arr't de travail suite ' un accident du travail est
de 22,7 %, contre 4,4 % pour l’ensemble de la population des assur's composant les
quinze comit's techniques nationaux. Surtout, le co't moyen d’un accident avec
arr't est de 51 813 francs dans la population des dockers, contre 13 706 francs pour
l’ensemble du r'gime g'n'ral. La diff'rence de d'pense moyenne par assur' est
encore plus notable : elle atteint 11 738 francs pour les dockers contre 609 francs pour
le r'gime g'n'ral. Au total, le montant des indemnit's journali'res touch'es par les
dockers repr'sente 27 fois leur importance dans le r'gime g'n'ral. Au sein m'me de la
cat'gorie des dockers, des disparit's importantes sont observ'es. Alors que la d'pense
moyenne par docker est de 11 738 francs en 1997, cette somme atteint 9 415 francs
pour un docker mensualis', 8 149 francs pour un docker occasionnel contre 30 333 francs
pour un docker intermittent, avec des moyennes particuli'rement 'lev'es '
Port-Saint-Louis-du-Rh'ne (69 374 francs contre 13 374 francs ' Marseille), Nantes
(50 114 francs) et dans la circonscription de la Caisse r'gionale d’assurance
maladie de Rennes (70 921 francs).
De nombreuses dispositions
inadapt'es
Certaines dispositions de la loi
de 1992 ont rapidement pos' d’importants probl'mes pratiques ou de droit ; sept ans
plus tard, elles n’ont pourtant pas encore 't' modifi'es ou supprim'es. La
circulaire interminist'rielle du 22 d'cembre 1998 relative ' la manutention portuaire
ne traite aucune de ces questions.
Une organisation contraire au
droit de la concurrence
Le maintien de BCMO exer'ant les
fonctions d’un bureau unique de placement des dockers, et la d'finition de "
t'ches r'serv'es " aux dockers contreviennent au droit de la concurrence.
Le r'le et le fonctionnement du
BCMO seul charg' de " l’organisation g'n'rale et du contr'le de
l’embauchage des ouvriers dockers professionnels intermittents et des ouvriers
dockers occasionnels dans le port " devront 'tre r'form's. Il a en effet
't' jug' par la Cour de justice des Communaut's europ'ennes (CJCE, 23 avril 1991,
H'fner et Fritz Elser c/ Macreton GmbH) qu’un bureau de placement, m'me g'r' par
une personne de droit public, ne peut avoir le monopole de l’embauche d’une
cat'gorie de personnel : le fait de conf'rer ' un organisme un tel monopole conduit
n'cessairement ' cr'er une situation d’abus de position dominante au sens de
l’article 86 du trait' de Rome, en particulier lorsque cet organisme "
n’est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que pr'sente le march'
' cet 'gard et qu’il tol're, en fait, une atteinte ' son droit exclusif par
d’autres soci't's ". Or tel est bien le cas des BCMO, comme le montrent
les insuffisances et d'faillances relev'es dans l’accomplissement des t'ches de
suivi des occasionnels confi'es aux BCMO sur les ports o' il n’y a plus
d’intermittents et o' le recours aux occasionnels s’effectue par
l’int'rim.
De m'me, il appara't
n'cessaire de supprimer l’obligation de recourir ' des titulaires d’une carte
G pour effectuer certains " travaux r'serv's ". Cette obligation, en
faisant peser des co'ts indus aux op'rations d’importations et d’exportations,
contrevient, en effet, ' l’article 30 du trait' de Rome, qui interdit les
restrictions quantitatives ' l’importation ainsi que toute mesure d’effet
'quivalent. La CJCE a conclu en ce sens, ' propos d’une disposition italienne
proche, dans son arr't " Merci Convenzionali Porto di Genova c/ Siderurgica
Gabriell " du 10 d'cembre 1991. (24) Une question pr'judicielle soulev'e en
1998 par la Cour d’appel de Gand est en outre en cours d’examen par la CJCE pour
savoir si le fait d’accorder des droits exclusifs pour certains travaux ' des
ouvriers portuaires reconnus peut conduire ' consid'rer l’entreprise concern'e
comme occupant une position dominante.
Les dispositions relatives aux
occasionnels
Les obligations l'gislatives et
r'glementaires incombant aux entreprises concernant les occasionnels sont inadapt'es.
D’une part, bien que les
occasionnels ne per'oivent pas d’indemnit' de garantie de la Cainagod, leurs
r'mun'rations sont incluses dans l’assiette des cotisations des entreprises.
D’autre part, les
entreprises doivent d'clarer au BCMO les vacations effectu'es par les occasionnels et
lui fournir une liste de ces derniers, afin de pouvoir recenser leur activit', qui prend
un caract're " r'gulier " d's lors que cent vacations par an sont
effectu'es. Cette disposition a pour effet de favoriser la reconstitution d’une
r'serve d’ouvriers sp'cialis's occasionnels reconnus a priori, en attente
d’une mensualisation, et prot'g's.
De nombreux probl'mes
d’interpr'tation
Malgr' de nombreux probl'mes
d’interpr'tation, le dispositif r'glementaire relatif ' la manutention portuaire
n’a pas 't' pr'cis', alors que des questions avaient 't' soulev'es d's le
rapport du gouvernement sur l’application de la loi en 1993. Il convient, en
particulier, de relever l’impr'cision des dispositions de la loi relatives au BCMO.
Ainsi, malgr' l’absence
d’intermittents et donc de structure paritaire, des budgets de BCMO subsistent dans
certains ports, et notamment en 1994, ' Toulon, Nice, Port-la-Nouvelle, Saint-Nazaire et
Cherbourg. La notion de BCMO, qui fait, de fa'on confuse, tant't r'f'rence '
l’instance paritaire elle-m'me, tant't ' un service ext'rieur de la Cainagod
pouvant fonctionner sans instance paritaire, m'riterait d’'tre clarifi'e.
De m'me, dans des ports o' il
ne reste plus d’intermittents, les services de l’Etat ne font pas toujours
respecter l’obligation de recenser les ouvriers dockers occasionnels ayant
r'guli'rement travaill' pendant les douze derniers mois. Tel est le cas ' Dieppe et '
Nice.
Enfin, la d'finition de ce
qu’est un docker professionnel a elle-m'me 't' sujette ' diff'rentes
interpr'tations. Ainsi, dans un arr't du 10 juin 1997, la Cour d’appel de Poitiers
a consid'r' que des " dockers compl'mentaires " (et donc occasionnels) de La
Rochelle 'taient des dockers professionnels. Elle a en effet consid'r' que
" l’obligation de se pr'senter r'guli'rement ' l’embauche (...) [
suffisait] ' caract'riser le statut l'gal de docker professionnel ".
Or la loi r'serve la qualit' de docker professionnel aux titulaires d’une
carte G.
En conclusion, la r'forme du
r'gime de travail de la manutention portuaire reste ' mener ' son terme. Cet
ach'vement d'pend tant d’une 'volution de l’attitude des entreprises, qui ne
paraissent pas avoir encore parfaitement tir' les cons'quences de la mensualisation, que
d’une action plus d'termin'e de l’Etat ' qui revient d’'laborer, et
surtout d’appliquer et de faire appliquer les textes l'gislatifs et r'glementaires.
Cette action est indispensable pour parvenir ' un r'gime de travail de droit commun et
pour r'duire les co'ts de gestion, disproportionn's aux besoins, engendr's par
l’existence des BCMO et de la Cainagod. La DTMPL elle-m'me estime qu’il est
l'gitime de se poser la question du co't de la Cainagod au regard du nombre de personnes
concern'es par le versement des indemnit's de garantie.
Au total, en 1996, les employeurs
ont cotis' ' hauteur de 8 MF, soit 277 F par vacation ch'm'e, pour que les structures
de la Cainagod et des BCMO versent une indemnit' de garantie de 107 F aux dockers
intermittents et effectuent les t'ches de tenue des registres, d’organisation de
l’embauche, de pointage et de contr'le qui leur incombent. Or le volume de ces
t'ches a 't' consid'rablement r'duit ; du fait de la mensualisation, elles ne
portent plus que sur un faible nombre de dockers (509 en 1996). Pour la seule structure
centrale de la Caisse, les d'penses de fonctionnement courant, hors plans sociaux, hors
indemnit's de garantie et hors d'penses des BCMO, s’'levaient ' 5 MF.
Il convient de pr'ciser que,
contrairement ' l’analyse de la Cainagod, la Cour consid're que l’ensemble des
t'ches exerc'es par la Caisse et les BCMO ne sont pas dissociables de la gestion des
indemnit's de garantie. D's lors, le fait de comparer le montant des cotisations
patronales encaiss'es, celui des indemnit's vers'es et les autres d'penses de ces
structures, que refuse la Cainagod, appara't justifi'.
c) L’accompagnement social a
't' tr's co'teux
La d'marche initiale du plan
social
Parall'lement ' la r'forme du
statut des dockers, il a 't' d'cid', en 1992, de faire " sortir du statut "
une partie des dockers dits " carte G " ou " dockers professionnels "
. Cette diminution de l’effectif devait s’obtenir par un accord propre ' chaque
port entre l’Etat, les manutentionnaires et les repr'sentants des dockers, accord
fond' sur des dispositifs " de base " communs ' tous les ports,
am'nag's en fonction des conditions locales. Les pouvoirs publics estimaient
initialement le co't de ce plan social ' deux milliards de francs environ, dont 700 MF
' la charge directe de l’Etat.
La d'marche choisie par
l’Etat comportait d's l’origine plusieurs inconv'nients qui ont, par la suite,
pes' lourdement sur la gestion et le financement du plan social. L’Etat a li' le
plan social ' un accord sur la mensualisation. D's lors, les conflits portant sur cet
accord ont entrain' une surench're des partenaires sociaux sur le contenu du plan
social, ou sa mise en œuvre tardive. En outre, l’Etat a remis aux
manutentionnaires le pouvoir de n'gocier un accord de plan social. Or ils n’'taient
pas, jusqu’' la mensualisation, les employeurs des dockers, et leur situation
financi're rendait illusoire leur participation effective au financement du plan social,
autrement que par une simple r'percussion sur les clients. Enfin, l’Etat, une fois
fix'es les conditions minimales de d'part en plan social, n’a plus 'dict' de
directives pr'cises, y compris pour les ports autonomes.
Les mesures minimales accord'es
comportaient des d'parts " volontaires " pour les dockers 'g's de moins de 50
ans. En contrepartie de l’abandon de leur carte professionnelle, ils b'n'ficiaient
d’une indemnit' forfaitaire de 200 000 F qui pouvait 'tre augment'e
localement et d’un cong' de conversion de 18 mois avec une allocation de 65% du
salaire ant'rieur. Des " mesures d’'ge " 'taient pr'vues pour les
dockers plus 'g's (entre 50 ans et la retraite). Entre 50 ans et 55 ans et trois mois,
ils b'n'ficiaient d’un cong' de conversion, d'rogatoire par sa dur'e, indemnis'
' 65% du salaire ant'rieur. Ensuite, et jusqu’' l’'ge de la retraite, les
dockers recevaient des allocations sp'cifiques du fonds national pour l’emploi
(ASFNE). D’une mani're d'rogatoire au droit commun, les entreprises de manutention
ont 't' dispens'es d’apporter une contribution aux ASFNE vers'es. Au total, alors
que 8 500 dockers professionnels 'taient recens's au 1er janvier 1992, 4 175
personnes ont b'n'fici' du plan social, se r'partissant ' parts quasiment 'gales
entre les mesures d’'ges et les d'parts volontaires.
Les d'rives
L’entr'e en vigueur de ces
dispositifs 'tait subordonn'e ' la signature des accords locaux. La date limite, fix'e
initialement au 15 juillet 1992, a 't' ensuite progressivement report'e, pour tenir
compte des difficult's d’aboutir, notamment dans les grands ports. La date du 31
d'cembre 1993 a 't' finalement retenue pour la mise en œuvre du plan social.
N'anmoins, de 1994 ' 1996, de nombreux plans sociaux ont 't' rouverts au b'n'fice de
Bordeaux, La Rochelle, Boulogne, Dunkerque et Lorient.
Surtout, les accords locaux ont
d'fini des conditions de d'part propres ' chaque place portuaire. Ils ont conduit '
offrir aux dockers des conditions financi'res plus avantageuses pour les encourager au
d'part et ' 'largir le plan social ' des cat'gories pour lesquelles l’Etat
n’avait pas d'cid' d‘accorder un financement particulier. Les primes de
d'part accord'es ont atteint des montants bien sup'rieurs ' 200 000 F. Ainsi, la prime
de d'part moyenne pour les mesures de conversion volontaire s’est 'lev'e ' Nantes
' environ 650 000 F par personne, en sus de l’allocation de cong' de conversion
vers'e pendant dix-huit mois.
Le b'n'fice des mesures
d’'ge a 't' 'largi ' Marseille et au Havre aux dockers atteignant l’'ge de
50 ans au 31 d'cembre 1996, autorisant ainsi des d'parts ' 47 ans en 1993, avec 65% du
salaire ant'rieur. Cette mesure a eu un co't important : l’Etat ayant
consid'r' qu’il ne s’agissait pas de r'els d'parts en mesure d’'ge,
mais d’une garantie de ressources accord'e par les employeurs, c’est la part
locale du plan social qui a int'gralement financ' cette mesure, tandis que les sommes
vers'es 'taient soumises aux cotisations sociales et aux taxes frappant les salaires. A
Marseille, sur 400 d'parts " en mesures d’'ge ", 200
correspondaient ' cette garantie de ressources suppl'mentaires. Au Havre, le co't des
indemnit's ainsi vers'es a atteint 135,2 MF pour 291 d'parts d’ouvriers 'g's de
47 ' 50 ans. Au total, le co't moyen de ces seuls 291 d'parts " hors
normes " a atteint 2 MF, soit nettement plus que la moyenne havraise (1,132 MF),
d'j' tr's sup'rieure ' la moyenne nationale. En y ajoutant des compl'ments locaux,
les montants vers's individuellement aux dockers ' leur d'part (donc hors ASFNE) ont pu
atteindre pr's d’un million de francs au Havre.
En outre, plusieurs cat'gories
de salari's ont b'n'fici' de mesures identiques ' celles du plan docker et ont donc
't' int'gr'es ' la part locale et ' son financement. Il s’agit, comme '
Marseille et ' Rouen, de salari's des entreprises de manutention qui n’'taient pas
des dockers ou, dans les cas de Lorient ou des " apprentis " du Havre,
de salari's portuaires non titulaires de la carte G.
Enfin, le montant de la part
locale du plan social inclut souvent des d'penses ext'rieures au plan mais rattach'es
' celui-ci par les acteurs locaux. C’est en particulier le cas au Havre pour le
reliquat du financement du plan social de 1988 et les d'penses propres au groupement des
employeurs de main-d’œuvre, et ' Rouen pour les " frais annexes "
concernant des agents de l’union des employeurs, l’indemnisation des d'l'gu's
des dockers ' hauteur de 320 000 F, les indemnit's pour pr'judice d' aux gr'ves de
1992 et les d'penses li'es ' un plan social de 1990.
Le tableau de la page suivante
retrace le co't effectif des d'parts, dans lequel entrent non seulement les sommes
per'ues par les dockers au moment de leur d'part, mais aussi les diverses indemnit's de
cong's de conversion, les ASFNE, et le co't de gestion du plan social : les frais
financiers, les co'ts administratifs et la charge des cellules de reconversion.
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