LA POLITIQUE
PORTUAIRE FRANCAISE
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DEUXI'ME PARTIE
LA GESTION ECONOMIQUE ET FINANCIERE DES PORTS AUTONOMES
Apr's avoir examin' comment
lEtat d'finit ses objectifs et met en uvre les moyens qui sont de sa
responsabilit', la Cour sest attach'e ' 'tudier lorganisation des ports et
les choix de gestion 'conomique et financi're qui incombent aux 'tablissements
portuaires eux-m'mes.
Ses observations sur la qualit'
et les r'sultats de leur gestion au regard du bon emploi des fonds publics se fondent sur
les contr'les des comptes des ports autonomes, qui doivent 'tre r'guliers, sinc'res et
donner une image fid'le de ces entreprises.
I. - LORGANISATION
financiere des ports autonomes
A. - Les proc'dures financi'res
1' Les proc'dures budg'taires
La proc'dure budg'taire des
ports autonomes reste un exercice formel, alors quelle devrait constituer un outil
de gestion et d'valuation de l'tablissement, pour le port et pour sa
tutelle.
a) L'tat pr'visionnel de
recettes et de d'penses
L'tat pr'visionnel de
recettes et de d'penses (EPRD) ou " budget primitif " ne correspond
pas ' un v'ritable budget. Il est purement indicatif et ses cr'dits ne sont pas
limitatifs, sauf quand cela est pr'vu par le port autonome. Sa pr'sentation comporte
plus deffets dannonce que dengagements contraignants. Lexamen des
budgets primitifs ne fait dailleurs que tr's rarement lobjet de d'bats en
conseil dadministration.
Les 'carts r'currents entre
pr'visions et r'alisations
Les 'carts constat's entre les
'tats pr'visionnels - m'me modifi's en fin dexercice - et les comptes financiers
mettent en 'vidence linsuffisante fiabilit' des exercices de pr'vision men's par
les ports autonomes. Ces 'carts entre pr'visions et r'alisations ont atteint par
exemple des amplitudes de + 15 % ' - 27 % pour les r'sultats du port autonome de Rouen
au cours de la p'riode 1989-1994.
Le premier facteur de ces
discordances d'coule du fait quen mati're de fonctionnement, hors charges
calcul'es, les budgets sont plut't respect's, alors quen mati're
dinvestissements, les budgets des ports r'pondent souvent ' des pr'occupations
d" affichage " vis-'-vis du conseil dadministration et
des partenaires ext'rieurs du port. Ainsi, en 1995, le taux dex'cution des
op'rations en capital s'levait ' 73 % ' Marseille et ' 69 % ' Dunkerque,
dont 39 % pour les op'rations dinfrastructures avec concours financier de
lEtat et 18 % pour les travaux de voies navigables ex'cut's pour le compte de
lEtat.
Immobilisations du port autonome
de Dunkerque
Pr'visions budg'taires et r'alisations
(compte 6952, en MF)
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1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Pr'visions
(apr's d'cision modificative) |
288,0 |
104,5 |
178,8 |
215,6 |
244,3 |
R'alisations |
186,3 |
62,0 |
74,1 |
100,9 |
168,6 |
Ecart |
101,7 |
42,5 |
104,7 |
114,7 |
75,7 |
Taux de
r'alisation |
65 % |
59 % |
41,5 % |
47 % |
69 % |
Au cours dune audition, le
directeur de ce port autonome a dailleurs lui-m'me reconnu que les pr'visions
dinvestissement, dont les ambitions d'passaient les moyens du port, 'taient
con'ues avant tout ' lusage du personnel et des collectivit's territoriales.
La seconde raison de ces 'carts
provient de lint'gration tardive au budget de certaines op'rations. Ainsi, dans le
cas du port autonome de Rouen, alors quune op'ration dacquisition de 52,5 MF
de terrains et la recette en capital de 41 MF correspondant ' lavance re'ue par le
port 'taient connues d's 1993, leur inscription au budget de lexercice 1994
na 't' effectu'e quen mai 1994.
Ladoption tardive des
budgets
Aux termes de larticle R.
113-15 du code des ports maritimes, lEPRD dune ann'e
" n " est arr't' par le conseil dadministration au plus tard
le premier octobre de lann'e " n-1 ", pour 'tre soumis au plus
tard le premier novembre ' lapprobation des ministres charg's des ports et des
finances. En labsence dapprobation par ces tutelles ' louverture de
lexercice, le directeur peut n'anmoins, sauf opposition du contr'leur dEtat,
engager les d'penses ant'rieurement autoris'es dans la limite des ressources
disponibles et ordonner les paiements correspondants. Il peut en outre, dans la double
limite des pr'visions adopt'es par le conseil dadministration et des cr'dits
approuv's au titre de lann'e pr'c'dente, engager - sauf opposition du
contr'leur dEtat - les d'penses indispensables ' la continuit' de la gestion.
En pratique, les ports, hormis
celui de Rouen, respectent rarement la date limite fix'e au 1er octobre
pour arr'ter leur budget.
Les nouvelles dispositions du
d'cret du 9 septembre 1999 repoussent opportun'ment au 1er d'cembre la date
limite dadoption du budget.
b) Les modifications '
l'tat pr'visionnel
Les modifications ' l'tat
pr'visionnel rendues n'cessaires en cours dexercice sont arr't'es et approuv'es
dans les m'mes formes que celles requises pour ladoption de cet 'tat. Cette
proc'dure de d'cision modificative est lourde, peu adapt'e et souvent contourn'e.
Labsence de d'cision
modificative
Certaines modifications du
montant pr'visionnel des cr'dits ne font pas lobjet dune d'cision
modificative. Ainsi, le port autonome de Marseille proc'de depuis 1993 ' des ajustements
budg'taires en cours dann'e intitul's " mesures de gestion ",
accept'es par le conseil dadministration. Or ces ajustements auraient d' justifier
des d'cisions modificatives en la forme ; ils comportent, qui plus est, des mesures
qui d's'quilibrent le budget, en violation de larticle L. 113-2 du code des ports
maritimes. Celui-ci dispose, en effet, que " les pr'visions du compte
dexploitation doivent 'tre pr'sent'es en 'quilibre pour chaque exercice ".
La Cour rel've la faible r'action des tutelles face ' cette violation des r'gles
budg'taires. Devant une telle situation, le contr'leur dEtat sest, en effet,
content' de faire la d'claration suivante : " la direction du port
pr'sente aujourdhui une pr'vision dex'cution du budget 1994 quelle
sest bien gard'e dintituler d'cision modificative pour ne pas 'tre
rappel'e ' la r'gle de l'quilibre budg'taire alors quelle programme un
d's'quilibre, fut-il accidentel, encore que ce type daccident se r'p'te
durablement depuis des ann'es ". De m'me, ' Nantes-Saint-Nazaire, les
" pr'visions 1993 " auxquelles 'taient compar's les r'sultats de
lexercice 1993 n'taient pas celles qui 'taient inscrites dans la deuxi'me
d'cision modificative du 17 septembre 1993, mais celles d'cid'es au cours dune
s'ance du conseil du 19 novembre 1993 sans 'tre mentionn'es dans une d'cision
modificative.
Le contenu des d'cisions
modificatives
La Cour a 'galement relev' '
plusieurs reprises que des 'v'nements pr'visibles et ' limpact budg'taire
important navaient pas 't' pris en compte dans les d'cisions modificatives. Ce
fut par exemple le cas en 1993 ' Nantes-Saint-Nazaire, o' la cession des terrains du
Carnet pour un montant de 11 MF, approuv'e d's 1991 et confirm'e en conseil
dadministration le 17 d'cembre 1993, ne figurait pas dans les modifications
adopt'es le 19 novembre 1993.
Ces observations r'v'lent en
r'alit' le peu dint'r't port' par les ports autonomes au respect des
proc'dures budg'taires qui simposent ' eux.
c) Lexercice de la tutelle
sur les budgets
Lapprobation des budgets
par les tutelles a longtemps 't' tardive, intervenant g'n'ralement plusieurs mois
apr's le d'but de lexercice, sans que la proc'dure de limitation des d'penses
pr'vue ci-dessus soit mise en place, et avec un retard tel que leur utilit'
n'tait plus av'r'e.
Un cas particuli'rement flagrant
a 't' relev' pour le budget de 1992 du port autonome de Dunkerque. Du fait des tensions
sociales li'es ' la r'forme de la manutention, le conseil dadministration ne
sest pas r'uni d'octobre 1991 ' juin 1992 et le budget n'a 't' arr't' qu'en
juillet. Le port n'a donc pas dispos' des cr'dits budg'taires indispensables ' son
fonctionnement normal au cours du premier semestre de l'exercice, sans que les tutelles
prennent les mesures n'cessaires. La Cour a m'me relev' que, alors que les tutelles
navaient pas encore approuv' les budgets du port autonome de Dunkerque pour les
exercices 1992 et 1993, le comit' du fonds de d'veloppement 'conomique et social a
n'anmoins autoris' les emprunts n'cessaires au financement des investissements inscrits
dans ces budgets.
Certes, lapprobation des
d'cisions modificatives et des comptes est acc'l'r'e depuis la d'l'gation de pouvoir
donn'e en 1996 par la direction du budget au contr'leur dEtat. En outre, le code
des ports maritimes a 't' modifi' par le d'cret n' 99-575 du 8 juillet 1999, qui
instaure un r'gime dapprobation tacite ' d'faut de r'ponse de la tutelle dans le
d'lai dun mois.
Enfin, le d'cret n' 99-782 du 9
septembre 1999 devrait permettre une meilleure concordance entre cette approbation et la
programmation des investissements soumis ' lexamen du comit' des investissements
' caract're 'conomique et social, en diff'rant du 1er octobre au 1er d'cembre la date
" butoir " de transmission des E.P.R.D. approuv's par les conseils
dadministration des ports aux autorit's de tutelle ".
La Cour prend acte de
lintention affich'e par les minist'res charg's des ports maritimes et du budget
dutiliser davantage ces proc'dures dapprobation comme un instrument de
gestion et de contr'le des ports.
d) Labsence de programmation
pluriannuelle
Certains ports autonomes ont mis
en place des pr'visions pluriannuelles des comptes de r'sultat et des tableaux de
financement. Elabor's principalement ' la demande des repr'sentants de lEtat au
conseil dadministration, ces plans pluriannuels ont pour objectif de comparer les
moyens et les ambitions ' moyen terme des 'tablissements, afin didentifier les
choix ' op'rer. Mais cette programmation est purement formelle et d'clarative et ne
constitue pas une aide ' la d'cision en raison de nombreuses faiblesses : elle ne se
fonde pas sur les sc'narios r'ellement examin's et valid's, elle ne conduit pas '
op'rer des choix et, surtout, elle ne fait pas lobjet de suivi. Le contr'le de
gestion nest donc pas organis'.
Ainsi, le " plan
dentreprise " du port autonome de Dunkerque pour 1996-1998 a 't'
pr'sent' au conseil dadministration du 20 octobre 1995 ' la suite de
leffondrement du trafic transmanche du port. Dans ce plan, le port envisageait
plusieurs hypoth'ses de trafic et en tirait les cons'quences sur les recettes et
d'penses dexploitation pr'visibles de l'tablissement. En revanche, aucune
cons'quence n'tait tir'e sur les investissements en fonction des hypoth'ses
envisag'es. La pr'sentation de ce plan en conseil dadministration aurait pu 'tre
loccasion de r'examiner les diff'rentes hypoth'ses dinvestissement ' la
hausse ou ' la baisse en fonction des hypoth'ses de trafic. En r'alit', ce plan ne
comportait aucune information sur les projets dinvestissement prioritaires, ni aucun
ajustement des op'rations en capital aux diff'rentes hypoth'ses de trafic. Enfin, signe
sans doute de son inutilit' pratique pour l'tablissement, il na suscit'
aucune discussion en conseil dadministration.
2' La comptabilit' et le
contr'le de gestion
Le code des ports maritimes
dispose que " le fonctionnement comptable du port autonome est assur' dans les
conditions pr'vues pour les 'tablissements publics ' caract're industriel et
commercial dot's dun agent comptable, par les articles 190 ' 225 du d'cret du 29
d'cembre 1962 portant r'glement g'n'ral sur la comptabilit' publique ".
a) La production et la tenue des
comptes
Dans sa mission de production des
comptes, lagent comptable est responsable de la r'gularit' et de la sinc'rit'
des 'critures du compte financier. Des d'faillances particuli'rement importantes ont
't' relev'es ' cet 'gard au port autonome de Dunkerque.
Ainsi, dans son rapport
particulier sur les comptes annuels du port autonome de Dunkerque pour les exercices 1991
' 1995, et dans la limite des investigations auxquelles elle a proc'd', la Cour a
formul' lavis que les tr's nombreuses anomalies relatives ' la tenue des comptes,
aux op'rations de provisionnement, dadmissions en non valeur, ainsi quaux
imputations comptables concernant notamment les ristournes, les dettes financi'res et les
disponibilit's, portaient atteinte ' la r'gularit' et ' la sinc'rit' des comptes
annuels, qui, de ce fait, ne donnent quune image imparfaite de la situation
financi're et des r'sultats de l'tablissement.
Les anomalies relev'es dans la
tenue des comptes
du port autonome de Dunkerque
Un contr'le de coh'rence a
par exemple permis de relever des discordances (de 1 ' 15 MF selon les ann'es) entre les
soldes de la balance g'n'rale des comptes du grand livre et le bilan pour chaque
exercice de 1991 ' 1995. La balance g'n'rale fournie ' l'appui d'un compte financier
op'rait en effet des compensations entre les soldes de certains comptes de classe 4.
Cette pratique r'sultait notamment du fait que les op'rations d'inventaire de fin
d'ann'e n'taient pas effectu'es. Du fait de centralisations ' un niveau plus
affin' (9 chiffres au lieu de 6), le nouveau syst'me informatique mis en place en 1995
corrige partiellement les errements ant'rieurs : il permet de mieux isoler les soldes
d'biteurs des soldes cr'diteurs.
Toutefois, l'examen de ces seuls
'l'ments ne permet d'expliquer que partiellement les discordances initialement relev'es
entre balance et bilan : en effet, ' l'exception de l'exercice 1995, des diff'rences de
2 ' 9 MF sur le montant net du bilan subsistent pour les ann'es sous revue. Ces 'carts
proviennent de lutilisation d'voy'e de deux comptes provisoires de fournisseurs
d'biteurs (c/401.9 et c/404.9 " factures ' v'rifier "), non sold's en fin
dann'e. L'existence de ces dettes et cr'ances incertaines contrevient aux
principes comptables. Les comptes d'actif et de passif se trouvent par l' m'me ind'ment
sur'valu's.
Autre exemple du manque de
fiabilit' des comptes, les int'r'ts capitalis's ' l'achat sur les SICAV d'tenues par
l''tablissement, soit 21 MF en 1995, sont enregistr's au compte d'attente 475.1. Il
aurait fallu les inscrire en classe 5. Alors que le montant des liquidit's de
l'tablissement figurant au compte 51 s'levait ' 15 MF en 1995, la
tr'sorerie effective de l'tablissement s'levait en r'alit' ' 72 MF.
b) Linsuffisance et la
mauvaise utilisation des outils comptables
Les articles 190 ' 225 du
d'cret du 29 d'cembre 1962 portant r'glement g'n'ral sur la comptabilit' publique et
relatifs aux E.P.I.C. dot's dun agent comptable sont comment's par
linstruction comptable M-9-5. A la suite dinterventions de la Cour relatives
aux ports maritimes, cette instruction a fait ces derni'res ann'es lobjet
dam'liorations et de pr'cisions.
Des interventions r'p't'es du
Procureur g'n'ral pr's la Cour des comptes aupr's de la direction de la comptabilit'
publique avaient, en effet, soulign' la n'cessit' de r'viser ce texte dont un
commentaire erron' sous larticle 222 du d'cret portant r'glement g'n'ral sur la
comptabilit' publique pr'voyait que lapprobation des comptes par les autorit's de
tutelle interviendrait apr's lexamen des comptes et de la gestion des organismes
consid'r's par la Cour. Faute dapprobation des comptes par les autorit's de
tutelle, la Cour a 't' conduite ' prononcer dans ses arr'ts des r'serves sur les
comptes des comptables en lattente de lapprobation minist'rielle, diff'rant
ainsi la d'charge des agents comptables.
Conform'ment au souhait de la
Cour, ce commentaire de linstruction M-9-5 a alors 't' modifi' par une
instruction de la comptabilit' publique du 6 mai 1993. Le principal changement r'side
dans la mise en place en 1997 par les tutelles, et principalement par le contr'le
dEtat, dune proc'dure dexamen des comptes pr'alable ' leur
approbation. Ce nest quapr's cet examen que les tutelles ont approuv' par
des arr't's interminist'riels doctobre 1997 les comptes financiers des ports,
dont certains remontaient ' 1986.
La proc'dure a connu une nette
am'lioration gr'ce ' la d'l'gation du pouvoir dapprobation des comptes, ainsi
que des d'cisions modificatives, accord'e par le directeur du budget au contr'leur
dEtat par arr't' du 6 mars 1996, et gr'ce ' lintervention du d'cret
pr'cit' du 8 juillet 1999, qui pr'voit la possibilit' dune approbation tacite.
De m'me, la Cour avait attir'
lattention des tutelles, ' cinq reprises de 1989 ' 1996, sur les insuffisances de
la r'glementation relative au remboursement des frais expos's par le pr'sident du
conseil dadministration. La direction de la comptabilit' publique lui avait
r'pondu en janvier 1990 que la question 'tait 'tudi'e " en vue de permettre
aux agents comptables de disposer dune r'f'rence r'glementaire leur permettant de
veiller ' lexactitude des calculs de liquidation de la d'pense ". Il
a fallu finalement que la Juridiction prononce une injonction de reversement, sur la base
des bar'mes applicables aux personnels des 'tablissements, pour quune nouvelle
r'glementation soit adopt'e, en janvier 1997.
Dautres r'gles comptables
et financi'res sont fix'es par le code des ports maritimes lui-m'me, sans pour autant
'tre appliqu'es.
Ainsi, lEtat nexige
pas lapplication par les ports autonomes de larticle L. 113-2 du code des
ports maritimes relatif ' laffectation du r'sultat. En effet, alors que cet
article pr'voit que, " apr's constitution des r'serves et provisions,
lexc'dent net de chaque exercice est r'serv' ' lEtat dans la proportion de
50 % ", la totalit' du r'sultat b'n'ficiaire des ports est vir'e au
compte de r'serves par autorisation du conseil dadministration, sans que les
tutelles sint'ressent ' la bonne application de cette disposition. Un premier
versement vient seulement d'tre r'alis' en 1998 par le port du Havre ' la
demande des tutelles. La Cour prend acte de ce que la direction du budget entend mettre en
uvre cette r'gle pour lensemble des ports dont les comptes de 1999 feront
appara'tre des exc'dents.
Surtout, le code des ports
maritimes pr'voit dans son article R. 113-12 l'laboration dun plan
comptable commun aux ports autonomes, approuv' par arr't' conjoint du ministre charg'
des ports et du ministre de l'conomie et des finances, apr's avis du Conseil
national de la comptabilit'. Ce plan devait d'terminer " notamment les r'gles
applicables en mati're d'valuation et de r''valuation des immobilisations, la
nature des immobilisations amortissables qui devront 'tre individualis'es au bilan, les
r'gles de calcul des amortissements et provisions, les m'thodes d'valuation des
stocks et les normes d'laboration de la comptabilit' analytique
dexploitation, de mani're ' assurer la connaissance de prix de revient 'tablis
sur des bases homog'nes ". Or le " plan comptable des ports
maritimes " approuv' par arr't' du 30 novembre 1983 se borne ' 'num'rer
des comptes et ne pr'cise aucune de ces r'gles, normes et m'thodes. Cette lacune est
particuli'rement remarquable en ce qui concerne les r'gles relatives aux provisions.
Les contr'les effectu's par la
Cour sur les comptes des 'tablissements montrent, dune part, que les m'thodes et
pratiques varient consid'rablement dun port ' lautre. Les comparaisons
financi'res et comptables entre ports sont d's lors peu significatives alors
quelles portent sur des donn'es d'terminantes, telles que les investissements ou
les r'sultats. Cette d'faillance prive lEtat dune information pourtant
fondamentale et n'cessaire pour lui permettre dappr'cier la situation relative des
ports relevant de sa comp'tence. Les difficult's de comparaison sont notables, par
exemple en ce qui concerne le traitement comptable accord' aux ristournes commerciales ou
aux immobilisations.
Dautre part, labsence
de r'gles et de m'thodes communes conduit certains 'tablissements ' enfreindre des
r'gles comptables 'l'mentaires. La Cour a relev' linsuffisante rigueur
caract'risant la politique suivie par certains ports en mati're de provisions,
consistant ' " lisser " les r'sultats de fa'on ' les minorer. Au
port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, les provisions pour grosses r'parations ont ainsi
't' multipli'es par neuf en lespace de trois ans, passant de 4,5 MF ' la fin de
lexercice 1991 ' 41,65 MF fin 1994.
Cette lacune qui affecte les
r'gles comptables a 't' d'nonc'e ' plusieurs reprises, en particulier '
loccasion des contr'les des comptes des ports autonomes de Nantes-Saint-Nazaire,
Dunkerque, Rouen et Marseille. Lharmonisation et la permanence des m'thodes
comptables, pr'alable n'cessaire ' la comparaison des performances portuaires,
devraient pourtant 'tre un objectif prioritaire des tutelles.
A titre de comparaison, les
'tablissements publics dam'nagement des villes nouvelles, qui sont 'galement des
E.P.I.C. avec agent comptable, disposent dune instruction budg'taire et comptable.
Cette instruction codificatrice du 4 octobre 1993 est le fruit dun travail
particuli'rement complet qui a associ' lensemble des ordonnateurs et comptables
des 'tablissements concern's, ainsi que les tutelles minist'rielles. Une telle
d'marche serait souhaitable pour les ports autonomes.
c) Les missions de lagent
comptable
De plus en plus - cela est m'me
maintenant devenu une r'gle -, les agents comptables des ports autonomes assurent aussi
une fonction de directeur financier ou de chef des services financiers, assistant
lordonnateur.
Larticle 20 du d'cret n'
62-1587 du 29 d'cembre 1962 portant r'glement g'n'ral sur la comptabilit' publique
pr'cise que " les fonctions dordonnateur et celles de comptable public
sont incompatibles ". Prise ' la lettre, cette incompatibilit' des
fonctions ne semble pas faire obstacle au type de dispositif adopt' par les ports
autonomes. Il peut m'me 'tre de lint'r't dun 'tablissement quun
agent comptable puisse jouer un r'le de conseiller financier de lordonnateur, sans
pour autant 'tre le directeur financier de l'tablissement.
Pour autant, lesprit du
principe de s'paration des fonctions dordonnateur et de comptable, qui repose sur
lind'pendance r'elle et compl'te des int'r'ts de lordonnateur et du
comptable, est doublement fauss' dans les ports autonomes :
- le directeur est le sup'rieur
hi'rarchique de lagent comptable dans ses fonctions de directeur financier, ce qui
met en cause la situation du comptable, a fortiori lorsque celui-ci est mis en position
hors cadres ;
- ce dernier peut difficilement
rejeter, comme comptable, un ordre de d'pense pr'par' par ses propres services ou selon
les instructions donn'es par lui comme directeur financier. Il est remarquable que la
d'nomination de " comptable " ne figurait m'me plus dans
lorganigramme de certains ports, comme ' Rouen et ' Dunkerque - o' le nouvel
agent comptable a repris cette d'nomination. Une bonne application du r'glement
g'n'ral sur la comptabilit' publique de 1962 ne peut ' cet 'gard se satisfaire de
lappr'ciation suivante port'e par un agent comptable en r'ponse ' la Cour : "
lambigu't' apparente de lexercice conjoint des deux fonctions (...) se
r'sout dans lart et la mani're de les exercer ".
La lettre m'me des textes
na pas 't' respect'e dans certains cas. La confusion des fonctions
dordonnateur et de comptable a 't' particuli'rement nette ' Rouen, o'
lagent comptable 'tait aussi chef des services financier et informatique. A ce
titre, il participait ' l'laboration du budget ainsi qu' lensemble
des op'rations de recettes et de d'penses incombant ' lordonnateur. En outre, en
tant que chef des services financier et informatique, il a re'u en janvier 1992 deux
d'l'gations de signature de lordonnateur : lune, pour engager les recettes
et les d'penses li'es ' lexploitation et aux op'rations en capital du port
autonome, d'l'gation non renouvel'e par le nouveau directeur en 1994 ; lautre,
pour liquider et ordonnancer les recettes et les d'penses engag'es. Cette derni're
d'l'gation a 't' renouvel'e en 1994.
Le cumul des activit's de
comptable et de chef des services financiers et informatiques a donc amen' lagent
comptable ' certifier lex'cution du service fait, ' liquider et ordonnancer
certaines d'penses, quil a ensuite lui-m'me pay'es, en tant quagent
comptable. Ces dispositions contreviennent au principe de s'paration des fonctions
dordonnateur et de comptable 'dict' par larticle 20 susvis' du d'cret n'
62-1587 du 29 d'cembre 1962 portant r'glement g'n'ral sur la comptabilit' publique.
Le contr'le de la Cour a conduit l'tablissement ' annuler la deuxi'me
d'l'gation de signature ' lagent comptable, qui subsistait. N'anmoins, le centre
informatique et ses agents continuent de relever de lautorit' hi'rarchique du chef
des services financiers, agent comptable. Le nouveau circuit de signature, qui confie
lengagement et lordonnancement des d'penses du centre " aux
responsables directs de linformatique ", appara't donc largement fictif.
Conscient de ces ambigu't's et
' la suite des observations de la Cour, le port autonome de Marseille vient de modifier
son organisation interne et dissocie d'sormais les fonctions dagent comptable et de
directeur financier.
Lensemble des constatations
qui pr'c'dent montre que lexistence m'me dun comptable public dans les
ports autonomes pose un probl'me.
En effet, eu 'gard aux
sp'cificit's de lactivit' des ports autonomes, la mauvaise qualit' des comptes
produits et la faiblesse des contr'les exerc's par les agents comptables incitent la
Cour ' recommander que les cons'quences dune telle situation soient tir'es sur le
statut des 'tablissements portuaires, comme cela a 't' mentionn' dans la partie
relative aux structures de gestion : soit par une modification du statut des
'tablissements, qui resteraient des 'tablissements publics industriels et commerciaux,
mais sans la pr'sence dun agent comptable ; soit plus radicalement par la
suppression du statut d'tablissement public, ce qui conduirait ' transformer les
ports autonomes en soci't's ' capitaux publics soumises au r'gime de droit commun des
soci't's.
Ces changements supposeraient la
mise en uvre de r'gles prudentielles habituelles : s'paration fonctionnelle du
service comptable et des services gestionnaires ; mise en place dun contr'le
interne effectif ; sinc'rit', fid'lit' et r'gularit' des comptes produits, dont
le respect serait assur' par un commissaire aux comptes engageant sa responsabilit' sur
ses v'rifications.
d) La comptabilit' analytique et
le contr'le de gestion
Le contr'le de gestion
Au-del' du r'le de conseil de
lordonnateur que peut jouer le comptable public, les 'tablissements ont besoin
dun v'ritable contr'le de gestion, rattach' au directeur. Une telle fonction
existe depuis peu (1998 ou 1999 selon les cas) ' Dunkerque, Marseille, Rouen,
Nantes-Saint-Nazaire et Bordeaux.
En labsence de
comptabilit' analytique fiable et rapidement disponible, le contr'le de gestion est de
fait quasi exclusivement fond' sur le suivi de lex'cution budg'taire : des
situations mensuelles de consommation sont par exemple 'dit'es au Havre et ' Rouen.
Les fonctions principalement
remplies par ce type de contr'le de gestion correspondent aux pr'visions budg'taires,
au suivi des r'alisations et ' lanalyse des 'carts. En revanche, il ne permet pas
une gestion par objectifs ni une 'valuation des responsables de secteurs, qui
supposeraient une comptabilit' analytique performante et reconnue comme telle par
lensemble des responsables de chaque 'tablissement.
Les limites de la comptabilit'
analytique
Contrairement aux dispositions du
code des ports maritimes, les tutelles se sont abstenues de fixer des " normes
d'laboration de la comptabilit' analytique dexploitation, de mani're '
assurer la connaissance de prix de revient 'tablis sur des
bases homog'nes " : des crit'res communs seraient pourtant
particuli'rement n'cessaires pour d'finir une ventilation des droits de port entre
services. Chaque port a adopt', parfois tr's tardivement, des r'gles diff'rentes.
Ainsi, le port autonome de Dunkerque ne dispose dune comptabilit' analytique que
depuis 1994, celle du port autonome de Guadeloupe 'tait inexistante en 1995.
De mani're g'n'rale, les
conventions sur lesquelles reposent les syst'mes mis en place ne sont pas toujours
suffisamment explicit'es dans les documents produits. En outre, apr's examen de ces
conventions, les contr'les de la Cour ont montr' que la comptabilit' analytique mise en
place 'tait souvent insuffisante. Les rapports particuliers de la Cour la qualifiaient de
" partielle " au port autonome de Rouen en 1996, de
" d'faillante " au Havre en 1994. A titre dexemple,
contrairement au port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, la comptabilit' analytique du
Havre ne pr'sente aucun r'sultat par type de trafic, par site ou par escale, elle ne
ventile pas les droits de port entre les activit's, dimportants retraitements sont
n'cessaires pour faire concorder les r'sultats issus des comptabilit's analytique et
g'n'rale, et cette comptabilit' est 'tablie six mois apr's la cl'ture des comptes.
De m'me, celle de Rouen se contente de retracer des r'sultats a posteriori et ne
constitue pas un outil de gestion. Bien quelle soit 'tablie par fonction et par
service, ainsi que par type de trafic et par secteur de port, elle ne permet cependant pas
dappr'hender le r'sultat par site ou par escale ; il en est de m'me '
Dunkerque.
Les failles de la comptabilit'
analytique peuvent conduire les ports ' masquer le manque de comp'titivit' de certains
services et de certaines installations, certains usagers ' b'n'ficier de r'gimes
d'rogatoires avantageux et les personnels des ports ' ne pas voir mise en 'vidence la
situation 'conomique r'elle et les sureffectifs de certaines activit's, en particulier
de loutillage public. La tutelle - notamment financi're saccommode
'galement de cet 'tat de fait : limpr'cision et le manque de clart' de la
comptabilit' analytique, en 'vitant des calculs trop pr'cis qui pourraient aboutir '
des demandes budg'taires accrues, permettent ' lEtat de refuser une partie du
remboursement des sommes engag'es pour son compte par les 'tablissements.
Lampleur des cons'quences
de cette insuffisante fiabilit' de la comptabilit' analytique - syst'matiquement
relev'e par les contr'les de la Cour depuis plus de vingt ans sans quaucun
progr's r'el nait 't' accompli - doit 'tre soulign'e. Les ports sont de ce
fait d'pourvus des donn'es n'cessaires ' l'laboration dune politique
tarifaire coh'rente, de moyens dappr'cier lefficacit' de leurs
installations ou la productivit' de leur personnel, ainsi que doutils de contr'le
de gestion permettant de suivre en temps r'el lactivit' et les r'sultats
'conomiques. LEtat est pour sa part d'pourvu dun outil pr'cieux de
comparaison entre ports et de connaissance plus pr'cise des d'penses r'elles faites par
les ports pour son compte.
e) Les r'actions limit'es des
tutelles
Sur lensemble de ces
questions comptables et de gestion, la direction des ports annon'ait en novembre 1997
plusieurs mesures. La s'paration des fonctions de comptable et dordonnateur fait
lobjet dune r'flexion interminist'rielle. Toutefois, avant m'me que cette
r'flexion ait 't' entam'e, la direction g'n'rale de la comptabilit' publique
consid'rait dores et d'j' en janvier 1999 que " la position des agents
comptables (...) serait tr's certainement fragilis'e par un emp'chement de cumul de
leurs fonctions ". Cette r'ponse est difficilement acceptable en l'tat :
la logique de cette analyse revient en effet tout simplement ' 'ter toute signification
au principe de s'paration des ordonnateurs et des comptables. Elle fournit un argument
suppl'mentaire en faveur de la suppression des comptables publics dans les ports
autonomes.
Concernant la d'finition de
r'gles homog'nes en mati're de comptabilit' analytique, la DTMPL comptait
" mettre ' profit lann'e 1998 en inscrivant cette mission ' son
programme de travail ", avec " lassistance dun cabinet de
conseil expert en la mati're et comp'tent dans le domaine portuaire ".
Enfin, pour pallier les
insuffisances relev'es en mati're de r'glementation comptable, " un premier
travail sur lharmonisation entre les ports autonomes des r'gles de calcul des
provisions " a 't' confi' ' lagent comptable du port de
Bordeaux. Un groupe de travail ayant pour mission de pr'parer une instruction budg'taire
et comptable sp'cifique aux ports autonomes maritimes et compl'mentaire ' la M-9-5 a
't' r'uni ' plusieurs reprises en 1999. Lobjectif annonc' par la DTMPL
en janvier 1999 'tait d'tablir une instruction interminist'rielle avant la fin de
lann'e. Deux ans plus tard, ces projets sont bien avanc's, mais nont pas
encore abouti.
f) Lappr'ciation de la
situation financi're des 'tablissements
Les r'serves faites sur les
m'thodes et les outils comptables utilis's par les ports autonomes rendent difficiles
lappr'ciation de la situation financi're r'elle des ports pris individuellement
et, a fortiori, une analyse globale de leur situation. N'anmoins, sur la base des seules
donn'es fournies par les ports et retrac'es dans les rapports annuels du contr'leur
dEtat, les 'volutions suivantes peuvent 'tre observ'es sur la p'riode 1985-1997.
Sur cette p'riode, la production
vendue des ports autonomes m'tropolitains a augment' de 15 %. Leur r'sultat net cumul'
a 't' n'gatif pour les p'riodes 1985-1988 (- 107 MF) et 1993-1995 (- 96 MF), et
positif pour les p'riodes 1989-1992 (204 MF) et 1996-1997 (245 MF). De 1985 ' 1997,
le r'sultat net cumul' atteint 246 MF. Il ne repr'sente que 0,65 % de la
production vendue cumul'e de la p'riode, ce qui refl'te une faible rentabilit'. Durant
la m'me p'riode, les ports autonomes m'tropolitains se sont fortement d'sendett's :
leurs dettes annuelles sont pass'es de 3 836 MF en 1985 ' 1 034,5 MF
en 1997.
Recommandations
- faire des proc'dures
budg'taires et des pr'visions pluriannuelles un outil de gestion et d'valuation
de l'tablissement, tant pour le port autonome que pour sa tutelle ;
- 'laborer au plus t't une instruction budg'taire et comptable sp'cifique aux ports
autonomes afin quils adoptent des m'thodes comptables harmonis'es et permanentes
en mati're dimmobilisations, damortissements et de provisions, de stocks et
de comptabilit' analytique ;
- mettre en place des normes communes d'laboration de la comptabilit' analytique
dexploitation, comme le requiert larticle R. 113-12 du code des ports
maritimes, afin den faire un instrument efficace de gestion.
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